La Crucifixion
provient d’un retable commandé en 1456 à
Mantegna pour le maître-autel de l'église San Zeno de Vérone.
Elle ornait le centre de la prédelle, dont les deux panneaux latéraux
sont conservés depuis 1806 au musée des Beaux-Arts de Tours.
Cette œuvre de jeunesse exprime trois qualités qui demeureront
constantes chez Mantegna et fondent la modernité de son style :
l’emploi magistral de la perspective, les références à la culture
antique et la forte expressivité des figures.
Le premier retable de style Renaissance en Italie du Nord
Mantegna illustre l’
Evangile de Jean
: Jésus est crucifié sur le « lieu
du crâne» (celui d’Adam, au pied de la croix), avec deux malfaiteurs.
Des soldats jouent sa tunique au sort, tandis que surgit au premier
plan le lancier qui l’a transpercé (Longin). A gauche, Jean fait face
au groupe des saintes femmes entourant la Vierge en pleurs.
Le polyptyque de San Zeno peut être considéré comme le premier
exemple en Italie du Nord de tableau d’autel renaissant, représentant
une
Sainte Conversation
dans un espace unifié. Cependant,
Mantegna va plus loin que ses contemporains dans l’exploration
systématique de la perspective. Le point de fuite principal, situé
derrière la Croix du Christ, à la limite du plateau du Golgotha,
privilégie une vue de bas en haut,
da sotto in sù
caractéristique du
peintre.
Une construction symbolique
La perspective avec point de fuite bas répond ici à plusieurs
objectifs : dramatiser la scène, la magnifier et faire entrer le
spectateur dans l’espace du tableau. La construction géométrique
rigoureuse revêt un sens théologique. Les pieds du Christ occupent
le centre du panneau, tandis que l’axe médian de la Croix organise
une partition symbolique entre le bien et le mal : à la droite du Christ
se trouvent le bon larron, les saints, Jérusalem, le grouillement de la
vie, la lumière ; à sa gauche, le mauvais larron, les soldats, des arbres
morts, un paysage inhabité, l’ombre. La Croix au centre, la forme
circulaire du plateau et sa déclivité qui l’isole de l’arrière-plan
replacent la scène au centre allégorique du monde : dans la tradition
chrétienne, si Jérusalem est le nombril du monde et le Golgotha est à
la fois le sommet de la montagne cosmique, le lieu où Adam fut crée
et enterré et l’endroit où s’érige la Croix qui rachète l’humanité.
Mantegna : l'incarnation de l'idéal de la Renaissance
Proche des recherches de Donatello sur l’expression des sentiments,
Mantegna atteint une grande intensité dramatique par son style
linéaire, incisif, son dessin si maîtrisé, son sens de la composition.
Il met son imagination féconde et son érudition au service de
l’historia, capacité louée par Alberti à présenter plusieurs
personnages dans une action, animés des sentiments variés et
vraisemblants. Ces qualités lui assurèrent une notoriété précoce
auprès de ses contemporains et le statut envié de peintre de cour
auprès des ducs de Mantoue, les Gonzague. Cependant, sa manière
âpre et coupante fut délaissée dès le début du XVI
e
siècle au profit
du style «doux» : en témoigne
Le Parnasse
(INV 370), retouché et
«adouci » pour le conformer à l’esthétique nouvelle des autres
tableaux du Studiolo d’Isabelle d’Este.
La Crucifixion
de Andrea MANTEGNA
Isola di Cartura (Vénétie), 1431–
Mantoue, 1506
1456–1459
Département des Peintures
Peinture italienne (INV. 368)
Entré au Louvre en 1798
H.:0,76 m. ; L.:0,96 m.
Grande Galerie
Denon, 1er étage, salle 5
Auteur :Séverine Laborie
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