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Contraintes et enjeux
L
a question des restitutions
De nombreuses collections ont été acquises aux
18
e
et 19
e
siècles et dans le cadre de relations
internationales d’ordre culturel et politique de
l’époque. Cela n’aurait pas de sens de juger à
l’aune d’aujourd’hui ce qui s’est passé les siècles
passés, d’autant plus que la carte des États a
considérablement évolué, notamment avec la fin
des empires.
L’histoire des nations, au travers des siècles, s’est
construite par l’enrichissement culturel et la
circulation des œuvres. Beaucoup d’œuvres du
Louvre ou d’autres grands musées auraient sans
doute disparu ou été détruites si elles avaient
été laissées dans leur environnement naturel,
notamment lors des destructions de monuments.
Des lors, envisager le retour d’œuvres dans leur
pays d’origine serait déstabilisant pour l’ensemble
des collections et pour les relations internationales.
Le risque serait alors grand de voir les demandes
de restitution d’État à État se multiplier, et, ce
faisant, d’enclencher un dangereux mécanisme
de fermeture et de repli. Le mécanisme de
restitution serait sans fin et remettrait en cause le
principe même de musée universel, point unique
de rassemblement et de dialogue des cultures à
travers les œuvres d’art.
C’est la raison pour laquelle le droit international
(cf. convention Unesco de 1970, ratifiée par la
France en 1997) prévoit un principe de non-
rétroactivité afin de ne pas créer d’incertitude
juridique sur les collections et d’éviter une
réécriture de l’histoire et une déstabilisation des
relations internationales. Le Louvre s’inscrit
pleinement dans le respect de cette convention,
suivant en cela la doctrine française, récemment
rappelée officiellement par le ministère de la
Culture et le ministère des Affaires étrangères.
Le Louvre travaille dans le respect des règles
déontologiques et des conventions internationales
sur le patrimoine. Il fait preuve d’une vigilance
sans faille en matière d’acquisitions d’œuvres,
en appliquant scrupuleusement le code de
déontologie du Conseil international des musées
(The International Council of Museums, ICOM).
Ainsi, préalablement à tout projet d’acquisition,
l’historique de l’œuvre est vérifié et est écartée
systématiquement toute œuvre dont la provenance
apparaît comme douteuse.
La réponse la plus constructive, pour le bénéfice
de tous les publics, passe par une politique
d’ouverture et le développement de coopérations
scientifiques avec les «pays sources » (expositions,
partage de savoir et d’expérience, envoi de
moulages…). Le Louvre s’y emploie à travers une
politique internationale active.
L
e contexte géopolitique
et
en
particulier
les guerres
Le contexte géopolitique dans certaines zones a
contraint le musée du Louvre à mettre en veille
les coopérations pourtant très actives avec certains
pays (ex. : fouilles en Iran – Nishapur –, en Syrie
– Tulul El’Far – ou en Irak). Le Louvre ne doit
pas pour autant arrêter tout lien avec ces pays.
Il doit, d’une part, maintenir d’autres formes de
coopération scientifique (colloques, accueil de
chercheurs).D’autrepart, il doit agir concrètement,
en lien avec les autorités compétentes (ministères,
UNESCO, ICOM), pour la valorisation et la
sauvegarde du patrimoine en danger (mise en abri
des œuvres en péril, formation du personnel des
musées étrangers) et s’investir dans la lutte contre
les trafics d’antiquités (élaboration et actualisation
des listes rouges avec l’ICOM, vigilance en matière
d’acquisitions d’œuvres). Dans un contexte de
destruction du patrimoine universel dans certains
pays, le Louvre doit rappeler le rôle des grands
musées universels. Ils sont en effet le moyen de
conserver et de faire connaître le patrimoine de
l’humanité et de le transmettre aux générations
futures.
Le Louvre restera vigilant, en lien avec le ministère
de la Culture et de la Communication, pour
revenir dans les pays éprouvés par des conflits
armés quand les conditions seront réunies pour le
faire et en accord avec les autorités
Projet pour le futur musée
du Louvre Abou Dabi,
réalisé par Jean Nouvel