La question du bien-fondé de la césure
chronologique en 1848 reste d’actualité : 1848 est
une date politique, choisie pour sa pertinence
historique par les fondateurs d’Orsay, mais elle n’a
pas de justification particulière en histoire de l’art.
Pour les deux musées, la question peut donc se
poser de réfléchir de nouveau à cette séparation qui
pose aujourd’hui certaines questions scientifiques,
comme le partage de l’école de Barbizon entre
les deux institutions, partage des Ingres et
Delacroix… La répartition des collections,
pratiquement, est censée être fondée sur la date de
naissance des artistes : les artistes nés avant 1820
sont au Louvre, après à Orsay, sauf cinquante
exceptions bien identifiées ; à l’inverse, certaines
œuvres produites après 1848 sont à Orsay, ce qui
n’a pas de sens si cela partage l’œuvre d’artistes
en deux parties. La question se pose d’autant plus
que les limites du musée Delacroix sont celles de
la biographie de l’artiste, soit jusqu’à 1863. Enfin,
cette césure minimise l’importance du Second
Empire pour le Louvre, non seulement dans son
architecture, fortement liée dans son état actuel à
l’Exposition universelle de 1855, mais aussi dans
l’histoire de ses collections.
Au-delà des problématiques d’histoire et d’histoire
de l’art que pose cette césure quelque peu
arbitraire, elle pose également, très concrètement,
deux questions de gestion des collections : d’une
part, dans les politiques d’acquisition des deux
musées, qui se retrouvent parfois en concurrence,
d’autre part dans la gestion des inventaires, dont le
décroisement est basé sur cette césure en 1848 et les
exceptions définies.
Cettequestion, pluscomplexequ’iln’yparaît,devra
donc faire l’objet d’une discussion approfondie
entre les deux musées, avec le Service des musées
de France, afin de trouver le bon compromis, à
la fois juste scientifiquement, plus lisible pour les
visiteurs et cohérent pour les politiques des deux
musées. La date de 1848 pourrait être maintenue
comme base pour le décroisement des inventaires,
sans pour autant exclure des points particuliers sur
les artistes séparés entre les deux musées, et une
réflexion plus approfondie sur la présentation du
Second Empire dans les deux établissements.
Au-delà de la relation particulière entre le Louvre
et Orsay, cette question du traitement du Second
Empire est une question muséale essentielle, car
elle concerne également les châteaux et musées de
Compiègne et de Fontainebleau par exemple, et
implique une réflexion plus globale.
Le décroisement des collections des arts
graphiques
Depuis 1986, le musée d’Orsay a la responsabilité
administrative et scientifique des dessins des
artistes nés après 1820 et actifs avant 1914. Par
esprit de continuité, ces dessins sont restés jusqu’à
décembre 2013 inventoriés sur les inventaires
du musée du Louvre. Par commodité, ils sont,
à l’exception des dessins d’architecture et d’arts
décoratifs, et des pastels, restés localisés au Louvre
où sont assurés leur magasinage, communication
au public et montage. L’inventaire informatisé
des collections est commun aux deux collections,
Louvre etOrsay. Lemuséed’Orsay anaturellement
126
Jardin des tuileries - Entrée
du musée de l’Orangerie