De Michel Romanov à Pierre le Grand
Le règne de Michel Ier
L’élection au trône du jeune Michel Ier Romanov (1613-1645) inaugure un temps de restauration, avec l’aide de son père, le patriarche Philarète (1619-1633). Le retour délibéré vers l’héritage artistique du siècle d’Ivan le Terrible, semble vouloir effacer le souvenir du temps des troubles. Comme ses prédécesseurs, le tsar continue de réunir au Kremlin les reliques les plus significatives et donne une nouvelle impulsion aux ateliers du palais. La nouvelle châsse commandée en 1628 par Michel Ier pour le tsarévitch Dimitri revêt à cet égard l’aspect d’un symbole.
Ateliers et peintres des Stroganov
Les Stroganov sont une famille de marchands originaire des bords de la mer Blanche. Leur ascension sociale, sous le règne d’Ivan le Terrible et les premiers Romanov, est liée à l’expansion de la Russie au-delà de l’Oural et à la colonisation de la Sibérie. En échange de leurs services, ils reçoivent d’immenses propriétés dans les régions nouvellement annexées où ils établissent des comptoirs de commerce et d’exploitation de matières premières. Leur siège principal se trouve à Solvytchegodsk où les salines de la Vytchegda font leur fortune. Les Stroganov y installent dès la fin du XVIe siècle un atelier de broderie dont l’âge d’or se situe vers 1650-1680 sous la direction d’Anna Ivanovna, épouse de Dimitri Stroganov. On a également donné le nom conventionnel « d’école Stroganov » à une série de peintures exécutées pour eux ou sous leur patronage par les meilleurs artistes des ateliers du tsar entre la fin du XVIe siècle et celle du XVIIe, tels Procope Tchirine ou Nazarii Istomin. Le « style Stroganov » se distingue par son caractère précieux, des figures fragiles et menues, une élégance maniériste qui font tout son charme.
Les contradictions du XVIIe siècle
Le règne d’Alexis Ier (1645-1676) et celui de son fils Feodor (1676-1682) sont marqués par l’expansion de la Russie vers l’Ouest et en direction du Pacifique, atteint dès 1647. Cette période correspond aussi à un temps de transformation des institutions mais aussi de fracture, avec le schisme des vieux-croyants engendré par les réformes du patriarche Nikon (1652-1658). En même temps, s’opère une lente occidentalisation des formes artistiques. L’art du portrait fait son apparition. Le naturalisme de la peinture occidentale commence à tenter les peintres d’icônes du tsar, au premier rang desquels Simon Ouchakov. Tradition et innovations baroques cohabitent quelquefois de manière surprenante.
Les premiers bouleversements sous Pierre le Grand
En 1697 et 1698, Pierre Ier le Grand (1682-1725) visite l’Europe avec la « Grande Ambassade » qui marque une ligne de partage définitive entre la Russie ancienne et la Russie moderne. Si, depuis le milieu du XVIIe siècle, une lente occidentalisation se faisait timidement jour, Pierre le Grand l’impose à tout le pays par une série de réformes radicales de l’armée, de l’Etat et de la société. Le patriarcat lui-même, dont le trône est laissé vacant depuis la mort du patriarche Adrien en 1700, est supprimé en 1721 et remplacé par un Saint-Synode, placé sous le contrôle de l’Etat. Enfin, en 1703, la fondation de Saint-Pétersbourg, un port ouvert sur la baltique, qui devient en 1712 la capitale, scelle l’orientation de la Russie vers l’Europe. Dans la nouvelle ville, les églises à coupoles sont délaissées au profit du modèle basilical occidental, couronné d’une flèche. Le tsar fait appel à des architectes et à des artistes européens venus, en particulier, des Pays-Bas. Les formes de l’art baroque de l’Europe du nord s’épanouissent à Saint-Pétersbourg et commencent à rayonner rapidement dans toute la Russie. La Russie moderne est en train de naître.