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Moscou, troisième Rome (1502-1598)

Le « siècle d’Ivan le Terrible » (1505-1598) :
Moscou « troisième Rome »

Le rassemblement des terres russes s’achève sous Basile III (1505-1533) par la prise de Smolensk et l’annexion de la principauté de Riazan. Les conditions sont alors réunies pour que la Russie unifiée, seul État orthodoxe subsistant depuis la disparition de l’Empire byzantin en 1453, puisse reprendre à son compte la conception théocratique byzantine selon laquelle il ne pouvait exister d’Église sans empire. Elles conduisent au couronnement d’Ivan IV (1533-1584) comme tsar, le 16 janvier 1547. Le tsar-autocrate devient la source unique du pouvoir, de la loi et de la justice en Russie. Il assume pleinement la succession de l’empereur byzantin en tant qu’unique souverain chrétien. Pour le moine Philothée de Pskov, Moscou est « la Troisième Rome ». Comme autrefois les empereurs byzantins, les souverains rassemblent symboliquement dans les églises du Kremlin les reliques les plus insignes, tandis que le métropolite Macaire officialise en 1547 la vénération de nouveaux saints nationaux.

La prise de Kazan en 1552, suivie de celle du khanat d’Astrakhan, ouvre un accès direct à la mer Caspienne et au Caucase, et l’orthodoxie s’implante sur une terre qui n’était pas sienne avec la fondation de l’archevêché de Kazan. Enfin, le prestige du couronnement impérial permet à l’Église russe d’accéder au rang patriarcal en 1589. La Russie reproduit alors parfaitement la symphonie byzantine entre pouvoir temporel et spirituel, avec un tsar et un patriarche. Toutefois, le règne d’Ivan le Terrible s’assombrit avec la guerre de Livonie qui s’enlise, le régime de terreur et de répression de l’opritchnina (1564-1572), le pillage de Novgorod, les crises frumentaires, l’assassinat du tsarévitch Ivan par son père. Ils n’empêchent pas les ateliers du Kremlin de travailler sans relâche à la gloire du tsar et de l’Église.

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Reliquaire de la Vraie Croix

Le reliquaire adopte la forme et l’iconographie habituelles des reliquaires byzantins de la Vraie Croix réalisées entre le Xe et le XIIIe siècle : un boîtier à couvercle coulissant, abritant une logette en forme de croix destinée à enchâsser la relique, cantonnée des figures de Constantin et de sainte Hélène. Le couvercle est orné de la Crucifixion. Le rebord du boîtier comporte une série de médaillons avec le trône de l’Hétimasie qui attend le Christ du Jugement dernier, entouré d’archanges et de saints. Il est attribué à des ateliers de Constantinople du début du XIIe siècle. Le reliquaire compte au nombre des quelques objets byzantins qui, en Russie, ont acquis le statut d’insignes impériaux et ont joué un rôle symbolique dans l’héritage politique et religieux byzantin de Moscou, en tant que « troisième Rome » et « Nouvelle Jérusalem ».
Constantinople, fin du XIe-début du XIIe siècle (?) ; argent doré sur âme de bois H. : 29 cm ; l. : 20,5 cm ; ép. : 4,2 cm (25,5 cm et 14 cm pour le couvercle) ; prov. : mentionné dans les testaments des grands princes de Moscou dès le XVe siècle Saint-Pétersbourg, Musée de l'Ermitage, département des Arts orientaux, inv. ш-839 a et b
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Péléna brodée : Procession du dimanche des Rameaux à Moscou

Si la scène centrale reprend le miracle qui se produisait tous les mardis au monastère des Hodèges à Constantinople (l’icône de la Vierge Hodighitria devenait tellement légère qu’un seul homme pouvait la porter), elle peut être lue comme la procession des Rameaux du 8 avril 1498. En 1490, la mort du prince héritier Ivan le Jeune déclenche une lutte entre sa veuve Hélène de Valachie et la seconde épouse d’Ivan III, Zoé-Sophie Paléologue. En février 1498, Dimitri, fils d’Hélène, est couronné grand-prince de Vladimir et de Moscou. Zoé-Sophie serait le dernier personnage en bas à gauche accompagnée de deux de ses filles portant chapeau et encadrant Hélène, parée d’un voile jaune. Quant aux trois princes couronnés, le plus âgé, serait Ivan III, le plus jeune son petit-fils Dimitri, imberbe et le dernier Basile, fils de Sophie, futur Basile III. La technique et les motifs de la bordure pourraient indiquer qu’il s’agit d’une œuvre produite par un atelier de brodeurs d’Hélène de Valachie.
Moscou, fin du XVe siècle (1498 ?) ; taffetas, toile, fils d’or et d’argent, fils de soie H. : 95 cm ; l. : 98 cm ; prov. : ancienne collection Mikhaïl M. Zaitsevski (1815-1885) Moscou, Musée historique d'Etat, inv. 15495щ РБ-5
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Chronique enluminée d’Ivan le Terrible, dernier tome : couronnement du tsar en 1547

Le dernier tome de la Chronique enluminée est intitulé le Livre des Tsars (Tsarstvennaïa Kniga), en raison d’une annotation en marge d’un feuillet : « Livre des tsars, première partie ». Il couvre la période qui court de septembre 1533 à mars 1553 et contient 1281 illustrations qui, à la différence de celles des autres tomes, n’ont pas été coloriées et se présentent sous la forme d’esquisses à l’encre et à la mine de plomb. Il comporte de nombreuses annotations, relatives aux événements, qui ont peut-être été apportées de la main même d’Ivan le Terrible. Au cœur du manuscrit, le couronnement d’Ivan IV, le 16 janvier 1547 reprend délibérément le rite de celui des empereurs byzantins. Le jeune tsar, qui n’a pas encore 17 ans, sort de la cathédrale de la Dormition après son couronnement, tandis que des tapis sont déroulés sur le sol qu’il va fouler. Derrière lui, on porte un bassin rempli de pièces d’or qui sera versé sur sa tête.
Moscou, seconde moitié du XVIe siècle ; papier ; H. : 44 cm ; l. : 31 cm ; prov. : en 1683, l’ensemble des feuillets est remis aux ateliers du Kremlin et divisé en plusieurs tomes séparés Moscou, Musée historique d’Etat, ms 80370 / ОР Syn. n° 149
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Icône : saint Jean Baptiste

Dernier prophète de l’Ancien Testament et premier témoin du Christ, saint Jean Baptiste est ici représenté en ascète, à mi-corps. Drapé dans sa mélote, il s’appuie de la main gauche sur un bâton terminée par une croix fleurie, tandis que de la droite, il bénit. Le regard, dirigé vers le spectateur, est empreint de sérénité, de majesté et d’une sorte de condescendance pour la vanité du monde. Le port de tête, le visage aux yeux fixes et la noblesse du personnage rappellent ceux du Christ de la Déisis de l’iconostase principale de l’église de l’Annonciation peinte par Théophane le Grec à la fin du XIVe siècle. Les images ascétiques de Jean Baptiste se multiplient au XVIe siècle dans la Moscovie, en particulier sous le règne d’Ivan le Terrible. Saint Jean Baptiste étant son saint patron, il est possible que « derrière la majesté toute puissante du saint », on puisse « entrevoir celle de l’autocrate de Moscou ».
Moscou vers 1560 et seconde moitié du XVIe siècle (revêtement) ; tempera sur bois, argent doré, filigranes, émail ; H. : 1 m ; l. : 75 cm ; ép. : 2,5 cm ; prov. : iconostase de la chapelle de l’Entrée-à-Jérusalem de l’église de l’Annonciation du Kremlin de Moscou, consacrée en 1567 Moscou, Musées du Kremlin, inv. Ж-1483/1-2
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Icône : Vierge au « Buisson ardent »

La Vierge porte l’Enfant à la manière d’une Hodighitira ; elle est entourée d’une série de symboles habituels dans l’hymnographie mariale comme l’échelle de Jacob, l’arbre de Jessé, le tabernacle des psaumes, la grotte de Daniel et le buisson ardent de Moïse. Le thème du Buisson ardent, embrasé mais non consumé, reconnu comme une préfiguration de la conception virginale fait partie de ces images à la thématique abstraite et allégorique. L’icône offre une des premières manifestations du thème où le buisson n’est plus guère qu’un petit détail de l’image. L’iconographie va de pair avec un style raffiné et une exécution magistrale qui se reflète dans l’association subtile d’éléments inédits, dans la maîtrise de dessins minutieux en camaïeu et dans le maniement habile des couleurs. Mais la Vierge est aussi la femme de l’Apocalypse, aux cheveux dénoués, entourés des évangélistes et de cercles d’anges de l’Apocalypse.
Milieu ou seconde moitié du XVIe siècle et 1630-1640 (revêtement) ; tempera sur bois, argent doré ; H. : 1,37 m ; l. : 1,02 cm ; prov. : iconostase de l’Eglise Saint-Cyrille du monastère Saint-Cyrille du lac blanc Kirillov, Musée national d'art et d'architecture de Saint-Cyrille-de-Beloozero, inv. ДЖ-312 / КП-1958 et ДМ-231
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Tcharka au nom d’Ivan IV le Terrible

La tcharka, ou petite tasse à boire, est formée d’une coupe en argent martelée, en partie dorée, ronde et sans pied, dotée d’un appuie-pouce ajouré, obtenu à la fonte et rapporté. Le décor de la coupe est ciselé et gravé. A l’intérieur, le centre est décoré d’un lion qui se détache sur un fond pointillé, entouré d’une ronde de trois poissons. L’inscription et la titulature du tsar sont une allusion directe à la prise de Kazan par Ivan le Terrible en 1552 et à la conquête des khanats de Kazan et Astrakan (1552-1556). Le décor (palmettes, fleurons, ronde de poissons) et l’appuie-pouce, ne paraissent pas relever des pratiques des orfèvres de Moscou, mais de celles de l’Orient tatare des XIIIe-XVe siècles ; il s’agirait donc d’un des objets du butin tatar, distribués par Ivan le Terrible, sur lequel fut ajoutée l’inscription en son honneur.
Khanat de Kazan, avant 1552, et Moscou après cette date ; argent et argent doré ; H. : 2,8 cm ; L. max. : 15,2 cm ; D. de la coupe : 12,7 cm ; prov. : sacristie de la Trinité-Saint-Serge Serguiev-Possad, Musée d'Etat d'art et d'histoire, СПМЗ. Инв. 291- ихо
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Vie des saints Zosime et Sabbatios des Solovki

Ce luxueux manuscrit, réalisé à Moscou pour le tsar Feodor Ier entre 1596 et 1598 s’inscrit dans le cadre de l’essor du culte des saints Sabbatios et Zosime dont la vie a été rédigée dès la fin du XVe siècle par l’higoumène Dosithée. En 1429, Germain et Sabbatios s’installent sur l’archipel inhabité des îles Solovki, au-delà du cercle polaire. Six ans plus tard, Sabbatios, pressentant sa fin, revient sur le continent pour y mourir. Zosime, un religieux initié à l’ascétisme par Germain, s’installe à son tour aux Solovki et fonde un monastère sur les pas de Sabbatios dont il fait venir les reliques. Riche de 234 illustrations réparties dans le texte, le manuscrit comporte également de nombreux bandeaux agrémentés de feuillages et d’arabesques, ainsi que des initiales ornées. L’élégance des peintures et la finesse des ornements rehaussés d’or révèlent la maîtrise et le savoir-faire des peintres moscovites.
Moscou, fin du XVIe siècle et début du XVIIe siècle ; papier, 234 feuillets ; H. : 31 cm ; l. : 20, 5 cm ; prov. : ancienne collection Ivan A. Vakhrameev Moscou, Musée historique d’Etat, ms n° 4589, ms ОР Вахр. n° 71
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« Portrait » d’Ivan IV le Terrible

Cette œuvre passe pour être un « portrait » d’Ivan IV le Terrible avec son visage énergique, un peu triste, sa bouche charnue, son haut front dégarni ; l’inscription, placée aux angles, le désigne comme tel. Cependant l’apparition très tardive du portrait en Russie, réticente au genre jusqu’au début du XVIIe siècle, ne plaide pas en faveur d’un portrait véritable et le visage se rapproche de ceux des saints sur les icônes ou dans la peinture monumentale. Entré en 1677 dans les collections danoises par l’intermédiaire d’un ambassadeur envoyé auprès du tsar Féodor II, il est mentionné en 1737 dans ces termes : « une tête de vieil homme peinte à la manière moscovite ». Si l’inscription n’est pas un ajout, le « portrait » ne peut, au mieux, qu’être une image rétrospective du souverain. Délibérément archaïsant, ce portrait est plus à rapprocher de l’icône funéraire de Basile III, père d’Ivan IV le Terrible.
Moscou, première moitié du XVIIe siècle ; tempera sur bois H. : 36 cm ; l. : 34 cm ; prov. : rapporté de Russie par le Danois Frédéric von Gabel en 1676-1677 Copenhague, Nationalmuseet, inv. P. 249/199
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Icône funéraire de Basile III

L’icône montre le grand prince de Moscou Basile III (1479-1533) et saint Basile, sous une image de la Vierge du Signe. Si l’inscription
« Barlaam » correspond au nom monastique que pris Basile III à sa mort, selon l’habitude des princes de se faire moine à l’article de la mort. Cette icône funéraire est la plus ancienne conservée de toutes celles associées aux tombeaux des princes et des tsars dans la nécropole dynastique de l'église Saint-Michel au Kremlin de Moscou ; il n’est pas exclu qu’elle ait inauguré la tradition. Basile III, nimbé, est introduit dans l’intimité des saints à la manière des empereurs byzantins, ce qui montre la volonté d’Ivan IV d’inscrire son père dans leur lignée et de l’associer aux yeux de tous aux saints. L'individualisation des traits du visage du défunt montre une intention de portrait qui compte dans l'élaboration ultérieure du genre en Russie.
Moscou, troisième quart du XVIe siècle ; tempera sur bois ; H. : 2,14 m ; l. : 1,63 m ; prov. : église Saint-Michel du Kremlin de Moscou, au-dessus du tombeau de Basile III Moscou, Musée historique d’Etat, inv. 29172 И-VIII 3423
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Icône : La vision de saint Euloge

Le thème de l’icône est tiré des Apothègmes des pères du désert, destinés à l’édification spirituelle des moines. Elle illustre le récit de la vision d’Euloge d’Alexandrie. Au cours d’un office, il vit des anges qui distribuaient aux moines des dons correspondants au degré de leur propre ascèse : monnaies d’or, d’argent et de bronze ; les négligents ne reçurent rien. Au premier plan, deux saints abbés, sans doute Serge de Radonège et Cyrille de Beloozero, s’inclinent devant une coupe remplie du pain des offrandes. Leur bénédiction préfigure l’Eucharistie, évoquée par la Vierge à l’Enfant, image de l’Incarnation placée dans l’axe de l’autel, promesse du Sacrifice et de la Résurrection.
Solvytchegodsk, entre 1565 et 1596 ; tempera sur bois de tilleul, argent ; H. : 14,2 cm ; l. : 10,7 cm ; prov. : monastère de la Présentation-de-la-Vierge-au-Temple de Solvytchegodsk (oblast d’Arkhangelsk) Moscou, Galerie Tretiakov, inv. 21494
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Icône de l’Annonciation

La scène se déroule sur une terrasse qui sépare la demeure de Marie du monde extérieur. La Vierge, assise, se tourne vivement vers l’archange Gabriel, la main levée devant la poitrine en signe d’étonnement et de modestie. A ses pieds, une servante, de taille réduite, est installée sur un petit banc. Des architectures complexes aux lignes rigoureuses encadrent la composition ; elles lui donnent une profondeur et mettent en valeur les attitudes et les gestes expressifs des acteurs. L’icône a été datée du XVIe siècle. Le rythme tranquille et grave, le caractère monumental qui n’interdit pas cependant un grand raffinement, l’équilibre des couleurs et une palette relativement limitée rattachent l’œuvre au style des maîtres de Novgorod venus travailler au monastère des Solovki dans l’église de la Transfiguration qui avait subi un incendie en 1538.
Novgorod, milieu du XVIe siècle ; tempera sur bois H. : 1,46 m ; l. : 1,13 m ; prov. : abbatiale de la Transfiguration du monastère de Solovki Moscou, Musées du Kremlin, inv. Ж-800
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Saint Georges terrassant le dragon

L’attitude du saint sur sa monture correspond sans doute à celle de saint Georges à cheval transperçant le dragon de sa lance. Cette icône sculptée est un élément destiné à prendre place à l’intérieur d’une caisse, à la manière des retables du nord de l’Europe à la fin du Moyen Age. Des œuvres analogues provenant des régions centrales et septentrionales de la Russie conservées dans leur état d’origine peuvent être datées de la fin du XVIe à la fin du XVIIIe siècle. La diffusion de ce thème pourrait être liée à l’installation dans une niche au-dessus de la porte principale du Kremlin de Moscou, d’un saint Georges terrassant le dragon, protecteur de Moscou et de la dynastie moscovite, sculpté par Vassili Yermolyn, entre 1460 et 1464. L’influence de la sculpture sur bois du Nord est évidente et se caractérise par une certaine naïveté. Ces éléments permettent de proposer une date d’exécution vraisemblable dans la seconde moitié du XVIe siècle.
Russie centrale, seconde moitié du XVIe siècle ; bois polychrome, dorure ; H. : 64,5 cm ; l. : 57,3 cm ; ép. : 9,2 cm ; prov. inconnue Vologda, Musée d'Etat d’art, d’histoire et d’architecture, inv. N ВОКМ 5226