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Premier épanouissement chrétien
(milieu XIe - début XIIIe)

La Rous’ de Kiev : l’héritage grec

Le règne de Iaroslav le Sage (1019-1054), fils de Vladimir, inaugure l’âge d’or de la Rous’ kiévienne. La Rous’ a reçu le baptême de Byzance et devient aux XIe et XIIe siècles une aire d’expansion nouvelle de la civilisation byzantine. L’Eglise est grecque par ses usages, sa liturgie et ses structures ecclésiastiques, et par les modèles du monachisme initié par le moine Hilarion en 1051, au monastère des Grottes, près de Kiev. Les premières églises à coupoles - Sainte-Sophie de Kiev (vers 1040) ou Sainte-Sophie de Novgorod (1045) - sont d’origine byzantine même si leurs dimensions exceptionnelles les éloignent de leurs modèles d'origine. Des marbres de Proconèse et des décors de mosaïques exécutés par des artistes de Constantinople enrichissent Sainte-Sophie de Kiev. Les premières icônes et les plus célèbres, telle la célèbre Vierge de Vladimir, sont byzantines. Elles préludent à l’élaboration progressive de l’icône russe, à l’école de peintres venus de Byzance. L’évangéliaire d’Ostromir, vers 1056-1057, premier manuscrit daté de la Rous’, transpose l’éclat des émaux cloisonnés sur or grecs dont la technique s’épanouit dès la fin du XIe siècle à Kiev et dans la Rous’. Le luxueux calice à deux anses de Novgorod est l’un des plus éloquents témoins du rayonnement séculaire de l’art byzantin dans toute la Rous’.

La Rous’ de Kiev et l’Occident

Dès le temps de la conversion, la Rous’ est aussi ouverte sur l’Occident. Iaroslav le Sage épouse une princesse de Norvège et noue des alliances matrimoniales avec la Hongrie, la Pologne, la Saxe et même la France, lorsque sa fille Anne est unie au roi Henri Ier en 1051. Le Psautier d’Egbert de Trèves est enrichi de nouvelles images vers 1080 à Kiev dans un style qui n’est pas celui de Constantinople et montre les signes d’une véritable autonomie. Des monnaies de l’Europe du nord des environs de l’an mil ont été trouvées à Novgorod. Des objets précieux venus du monde latin circulent dans toute la Rous’. Mieux même, lorsque la Rous’ kiévienne se fractionne en principautés rivales, celle de Vladimir-Souzdal, à la fin du XIIe siècle, semble trouver dans l’art roman de nouvelles sources d’inspiration, en particulier dans le décor architectural avec l’essor d’une sculpture monumentale jusque-là inédite. Quant aux « Portes d’or » de Souzdal, au début du XIIIe siècle, elles montrent comment la synthèse d’une technique romane et d’une iconographie byzantine peuvent se fondre pour créer une œuvre exceptionnelle et novatrice.

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Diplôme du roi de France Philippe Ier en faveur de l’abbaye Saint-Crépin de Soissons, autographe de la reine Anne de Kiev

Cet acte est une donation consentie par Philippe Ier, roi de France, en faveur de l’abbaye Saint-Crépin de Soissons (Aisne). Il s’agit du seul document connu où, sous le monogramme de Philippe Ier, on peut lire la souscription autographe d’Anne en français « Anna reina » mais tracée en caractères slavons-russes (Ана реньа), accompagnée d’une croix dessinée de la main de la reine. Anne de Kiev (née vers 1020-1025), quatrième fille du prince de Kiev Iaroslav le Sage est la seconde femme du roi de France Henri Ier. A la mort du roi Henri Ier en 1060, leur fils Philippe Ier n’est âgé que de sept ans. Anne participe au gouvernement du royaume aux côtés du comte de Flandre Baudouin V et de Gervais, archevêque de Reims et archichancelier du royaume, dont les noms figurent dans le présent acte.
Soissons, 1063, chancellerie royale ; parchemin ; H. : 56 cm ; prov. : Abbaye Saint-Crépin de Soissons jusqu’à la Révolution ( ?) Paris, Bibliothèque nationale de France, département des manuscrits, Picardie 294, pièce 38
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Evangéliaire d’Ostromir

Chef-d’œuvre de l’art du livre de la Rous’ kiévienne, l’Evangéliaire d’Ostromir se singularise par sa somptuosité. C’est le plus ancien manuscrit slave oriental daté par son colophon et qui comporte, en outre, le nom d’un copiste. Exécuté en 6564-6565 selon le comput biblique grec à partir de la Création, c’est-à-dire en 1056-1057, il marque le premier épanouissement du jeune état chrétien de la Rous et le poids de l’héritage byzantin dans la genèse de son art. Le commanditaire, Ostromir, est le puissant délégué du prince Iziaslav à Novgorod, un possadnik (gouverneur) dont le pouvoir s’étend sur toute la Rous’ du nord-ouest. Le livre luxueux qu’il fait copier et peindre est destiné à la cathédrale Sainte-Sophie qui vient d’être construite à Novgorod, conférant sans doute au manuscrit, dès l’origine, le statut privilégié d’un insigne d’Etat.

Cette oeuvre n'est pas visible dans l'exposition.
Kiev ou Novgorod (?), 1056-1057 ; parchemin ; H. : 35,5 cm ; l. : 29 cm ; prov. : Novgorod, cathédrale Sainte-Sophie, au XVIe siècle Saint-Pétersbourg, Bibliothèque nationale de Russie, département des manuscrits, F.п.I.5
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Diadème avec la Déisis

Ce diadème découvert à Kiev en 1889 est composé de plaquettes d’or à décor émaillé articulées sur lesquelles est représentée une Déisis qui montre la Vierge et de saint Jean Baptiste adressant une prière au Christ pour le Salut de l’humanité. Les archanges Michel et Gabriel et les apôtres Pierre et Paul sont associés à cette prière. L’iconographie de la Déisis obéit aux canons byzantins. La technique de l’émail cloisonné sur or est elle aussi d’origine byzantine. Une attribution à un atelier de la principauté de Kiev où orfèvres grecs et russes ont pu se côtoyer, semble confirmée notamment par la présence de quelques lettres cyrilliques.
Kiev, XIIe siècle ; or, émail cloisonné sur or ; L. : 34 cm ; H. : 5,7 cm ; ép. : 0,5 cm ; prov. : découvert lors de travaux rue Troïtzkaïa à Kiev en 1889 Saint-Pétersbourg, Musée Russe, inv. БК 2756.
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Manchettes liturgiques (epimanikia)

Les manchettes liturgiques (en grec epimanikia) sont un ornement distinctif de la tenue des évêques orthodoxes auxquels elles sont réservées jusqu’à la fin du XIIe siècle à Byzance. Ces manchettes sont les plus anciennes connues pour toute l'orthodoxie. Chacune porte une représentation en pied de la Déisis, réduite aux trois acteurs principaux : le Christ, au centre, de face et bénissant, accompagné de la Vierge et saint Jean Baptiste. Les personnages dont les contours sont soulignés d’un cours de menues perles, s’inscrivent sous des arcatures, encadrées de deux larges bordures. Des rinceaux de feuillages animent les bordures, les colonnes et les arcatures.
Novgorod, fin du XIIe siècle ; soie, broderie de fils d’or et de soie, perles ; H. : 28 et 27 cm ; L. : 45 et 45, 5 cm ; prov. : monastère de Khutyn à Novgorod Novgorod, Musée d'Etat de Novgorod, inv. ДРТ 44
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Calice à deux anses - Kosta (Constantin), orfèvre

Le calice se distingue par ses dimensions impressionnantes et sa forme. Sur la panse, les côtes convexes sont occupées par les images en relief du Christ et de la Vierge, de saint Pierre et de sainte Anastasie, identifiés par les inscriptions tandis que les côtes anguleuses ont reçu un décor de rinceaux. Deux grandes anses symétriques au décor raffiné se déploient de chaque côté avec souplesse. Le calice porte gravé sous le pied, une inscription qui mentionne l’orfèvre, accompagnée d’un graffiti plus tardif indiquant le poids. L’orfèvre Kosta, manifestement familier des leçons byzantines, a su interpréter avec la plus grande subtilité l’héritage de ses devanciers et offrir ainsi une image inoubliable de l’âge d’or de la Rous’ kiévienne.
Novgorod, XIe siècle ; argent fondu et argent repoussé, ciselé et doré, nielle ; H. : 21,5 cm ; l. : 35 cm ; D. de la coupe : 21 cm ; prov. : ancien trésor de la cathédrale Sainte-Sophie Novgorod, Musée d'Etat de Novgorod, ДРМ 164 КП 813
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Icône : Bataille des Novgorodiens contre les Souzdaliens dite aussi
« Miracle de la Vierge du Signe»

L’icône retrace sur trois registres l’un des épisodes les plus célèbres de l’histoire de Novgorod : en 1170, les armées d’André Bogolioubski, conduites par son fils Romain, prince de Souzdal, viennent assiéger Novgorod. La veille, l’archevêque a fait placer l’icône de la « Vierge du Signe » face à l’ennemi, au-dessus des remparts. Une des flèches tirées par les assaillants atteint la Vierge. L’icône se retourne et montre aux habitants de Novgorod son visage noyé de larmes, tandis que des ténèbres profondes enveloppent subitement les Souzdaliens ; aveuglés et saisis d’effroi par le prodige, ceux-ci s’entretuent et sont vaincus par les Novgorodiens. Le peintre s’est manifestement complu à dépeindre les monuments de la ville et maints détails : armures, harnachement des chevaux, vêtements des bourgeois et du clergé.
Novgorod, milieu ou deuxième moitié du XVe siècle ; tempera sur bois de tilleul ; H. : 1,16 m ; l. : 1,19 m ; prov. : très vraisemblablement de l’église Saint-Dimitri du faubourg de Kojevniki à Novgorod Novgorod, Musée d'Etat de Novgorod, inv. ДРЖ 956
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Masque de lion

Ce bloc à grand mufle de lion aux traits anthropomorphes, puissamment stylisés, paisible et bienveillant appartenait au décor de la façade de la cathédrale de la Dormition construite par le prince de Vladimir, André Bogolioubski, en 1158-1160. Des masques de lions se trouvent également sur les façades de l’église de l’Intercession-sur-la-Nerl, élevée en 1165, de l’église Saint-Dimitri de Vladimir, construite avant 1197, et de l’église de Bogolioubovo édifiée en 1158. Ces images symboliques de lions se multiplient au XIIe siècle dans les programmes sculptés des édifices de la principauté de Vladimir et Souzdal et montrent une certaine parenté avec l'art roman d'Occident sans doute délibérée.
Vladimir, 1158-1160 ; calcaire blanc ; H. : 44,5 cm ; l. : 44 cm ; pr. : 40 cm ; prov. : façade de la cathédrale de la Dormition à Vladimir Vladimir, Musées d'Etat de Vladimir-Souzdal, inv. В-32285/124, КБ-151
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« Portes d’or » de la cathédrale la Nativité de la Vierge à Souzdal

Les « Portes d’or » de la cathédrale de la Nativité de la Vierge de Souzdal sont un chef d’œuvre de l’art russe ancien. Impressionnantes par leurs dimensions et la technique romane du vernis brun appelé chrysographie, elles se composent de 28 plaques rectangulaires dévolues à l’Ancien Testament. L’iconographie est issue des modèles byzantins sauf pour la dernière scène, la plus ancienne image connue de la Vierge au voile protecteur intercédant auprès de son Fils (Pokrov). La création de cette image dévotionnelle correspond à l’institution, au milieu du XIIe siècle, d’une fête mariale nouvelle, ignorée à Byzance, dévolue à la Mère de Dieu en tant que protectrice du pays de Vladimir et Souzdal.
Premier tiers du XIIIe siècle ; cuivre doré et dorure à chaud, sur armature de fer ; vantail de gauche : H. : 3,77 m ; l. : 1,31 m ; ép. : 22 cm ; vantail de droite : H. : 3,75 m ; l. : 1,19 m ; ép. : 16 cm ; prov. : cathédrale de la Nativité de la Vierge de Souzdal, portail occidental, in situ. Souzdal, Musées d'Etat de Vladimir-Souzdal, inv. В-6300/1169 - 1,2 ; М-1, М-2
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Collier de « barmes » de Staraïa Riazan

Ce collier fait partie d’un trésor découvert en 1822 à Staraïa Riazan, l’un des plus riches pour l’orfèvrerie de la Rous’ pré mongole. Il comprenait un ensemble impressionnant de bijoux et d’ornements en or. Le collier probablement destiné à une femme est composé de grosses perles d’or ajourées entre lesquelles étaient suspendus cinq grands médaillons – des barmes – en émail cloisonné sur or : le médaillon central représentant la Vierge est très probablement un travail byzantin, de la seconde moitié du Xe ou du XIe siècle, utilisé en remploi ; en revanche, les saintes Irène et Barbara sont l’œuvre d’orfèvres de la Rous’ kiévienne qui se sont manifestement approprié la technique de l’émail cloisonné byzantin. Le collier se remarque par la beauté des décors de filigranes des médaillons ce qui témoigne des contacts artistiques entre la Rous’ et l’Occident.
Riazan (?), XIIe ou début du XIIIe siècle ; or, émail sur or, pierres précieuses, menues perles, filigranes, granulations ; D. : des médaillons : de 7,3 à 8 cm ; D. des perles d’or ajourées : 4,2 à 4,5 cm ; prov. : trésor découvert en 1822 à Staraïa Riazan Moscou, Musées du Kremlin, inv. МР 971 à 973, 978, 979, 988 à 993