La conversion (Xe-milieu XIe)

Avant la conversion

Les Rous entrent dans l’Histoire au IXe siècle. Les premières mentions désignent un peuple païen de marchands et de guerriers, sujets d’un khagan, probablement d’origine scandinave. Ils partagent avec les Slaves de vastes territoires situés à l’est de l’Europe, entre mer Baltique, mer Noire et mer Caspienne, sillonnés du nord au sud par la route « des Varègues aux Grecs ».

En 839, les Annales de Saint-Bertin signalent des Rhôs qui accompagnent une ambassade de Byzance auprès de l’empereur Louis le Pieux à Ingelheim, près de Mayence. Vers 860, le patriarche Photios, à Constantinople, rend compte de leurs récentes incursions sur la capitale byzantine et évoque l’espoir de leur conversion. Au début du Xe siècle, le voyageur arabe Ibn Fadlān, venu de Bagdad, décrit les mœurs de ceux qui habitent le sud du bassin de la Volga. Les fouilles témoignent de l’existence de structures urbaines embryonnaires, dès le VIIIe siècle, sur la Volga, le long du Dniepr et autour du lac Ladoga. Monnaies et objets révèlent l’envergure des échanges commerciaux sur ces grands axes.

La conversion

Les liens que la Rous’ a tissés avec le monde méditerranéen ont ouvert la voie à la conversion. Le Récit des temps passés, la plus ancienne chronique russe conservée, mentionne dès 944 la présence de chrétiens à Kiev. Peu après, en 946 ou en 957, la princesse Olga de Kiev se rend à Constantinople où elle reçoit le baptême et fait don d’une patène à l’église Sainte-Sophie. Toutefois, la conversion d’Olga est encore une initiative personnelle et la Rous’ demeure largement païenne.

Le christianisme s’y introduit définitivement en 988, lorsque le prince Vladimir se convertit et s’allie à la famille impériale de Constantinople. Le baptême de Vladimir, à Cherson en Crimée, est suivi de la conversion de tout le peuple, baptisé dans le Dniepr. La Rous’ a choisi le modèle religieux et politique de l’Empire byzantin. Aussitôt, Vladimir entreprend à Kiev la construction du premier édifice chrétien : l’église de la Dîme (Dessiatinnaïa) à laquelle il accorde le dixième de ses revenus.

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Idole ou « Ancêtre de pierre » (kamennaia baba)

Cette idole appartient au type des statues féminines caractéristiques de l’art des Polovtses, peuple turc nomade venus de l'est, installés dans les steppes de la Russie du sud entre les XIe et XIIIe siècles. Si la gestuelle, en particulier le port d’un vase, rappelle les traditions de l’Orient ancien, ces idoles évoquent aussi des parallèles largement répandus dans plusieurs autres sociétés médiévales païennes pré-mongoles depuis les marges de l’Europe chrétienne jusqu’en Asie centrale.
Turkestan occidental, XIIe siècle ; grès ; H. : 2 ,44 m ; prov. : aurait été trouvée aux environs de Merke (Kazakhstan, circonscription de Djamboul / Zhambyl) en 1896
Saint-Pétersbourg, Musée de l’Ermitage, inv. ГЭ 2028/1
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Mobilier du tumulus (kourgane) de Tchernaïa Mogila à Tchernigov

Exceptionnelle par son contenu, la « Tombe noire » de Tchernigov, probablement une tombe princière, illustre la complexité des rites funéraires païens dans la Rous’ kiévienne du Xe siècle. La variété singulière du mobilier, où coexistent des pièces slaves, byzantines, scandinaves et probablement orientales khazares, reflète plus encore toute la diversité et l’étendue des échanges au sein des peuples de la Rous’ à la veille de la conversion. La paire de rhyton constitue l'élément le plus remarquable : ils sont formés d'une corne d'auroch dont le bord est serti d'un large bandeau d’argent. L’un d’eux présente des cartouches en forme de nuages extrême-orientaux.
Seconde moitié du Xe siècle ; prov. : fouilles du tumulus de Tchernaïa Mogila (la « Tombe noire ») à Tchernigov (Tchernihiv, Ukraine) A) Epée (Inv. n° 76990, оп.1539В/2) Fer, alliage de cuivre, martelé et incrusté ; H. : 28,5 cm ; l. : 12 cm B) Paire de Rhytons (Inv. n° 76990, оп.1539В/75 et 76) Corne d’auroch, argent martelé, doré, ciselé ; H. : 34 et 32,5 cm ; l. : 12 et 10 cm C) Idole (Inv. n° 76990, оп.1539В/77) Scandinavie ; bronze fondu ; H. : 4,7 cm ; l. : 2,7 cm D) Demie monnaie d’or byzantine (Inv.ГИМ № 76990/ КП ОН 6868) Constantinople, Miliaresion aux noms des empereurs Constantin VII et Romain II (945-959) ; or ; H. : 2 cm ; l. : 1,1 cm ; poids : 2,19 gr
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Trésor de Gniezdovo

Ce trésor, découvert lors des fouilles de Gniezdovo dans la région de Smolensk, se compose d’un nombre d’objets considérable dont un ensemble de soixante-douze dirhems arabes qui assurent une datation dans la seconde moitié du Xe siècle. Ces dirhems, pour la plupart transformés en pendentifs, constituent un témoignage concret des échanges de la Rous’ kiévienne avec le monde islamique contemporain. La petite croix évoque une pénétration très précoce du christianisme sur le territoire de Smolensk à la veille de la conversion.
Prov. : fouilles du site de Gniezdovo (circonscription de Smolensk) A) Dirhems (Inv. n° 108648 Оп. 2683В/56 СБ 19464 ; n° 108648 Оп. 2683В/58 СБ 19466 à n° 108648 Оп. 2683В/67 СБ 19475 ; n° 108648 Оп. 2683В/69 СБ 19477 ; n° 108648 Оп. 2683В/70 СБ 19478 ; n° 108648 Оп. 2683В/72 СБ 19480 à n° 108648 Оп. 2683В/79 СБ 19487) Milieu du Xe siècle ; argent B) Croix (Inv. n° 108648 Оп. 2683В/20 СБ 19446) Xe-XIe siècle ; argent doré ; H . : 2,7 cm ; l. : 3,2 cm
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Chronique de Radziwiłł : le baptême du prince Vladimir

Ce manuscrit, copié au XVe siècle, est le seul exemplaire ancien enluminé du Récit des temps passés, mis en forme au début du XIIe siècle par le moine Nestor du monastère des Grottes à Kiev et complété ici jusqu’en 1205-1206. Conçu à la manière des chroniques universelles byzantines, il remonte au Déluge, retrace le peuplement de la terre par la descendance de Noé en introduisant une filiation slave puis raconte les événements de 852 jusqu’en 1116. Ill comporte six cent dix-huit illustrations coloriées qui mettent en scène toute l’histoire ancienne de la Russie. Le cycle des images qui ouvrent le manuscrit offre d’irremplaçables et attachantes illustrations des débuts de la Rous’ kiévienne, en dépit des vêtements et accessoires anachroniques qui sont ceux du XVe siècle. Au folio G2v, le baptême du prince Vladimir en 988 immortalise la naissance de la Russie chrétienne.
Russie, XVe siècle ; papier ; H. : 31,5 cm ; l. : 21 cm ; prov. : au milieu du XVIIe siècle en Pologne-Lituanie, a appartenu au Waldmeister Stanislas Zenowicz Saint-Pétersbourg, Bibliothèque de l’Académie des Sciences de Russie, inv. 34.5.30
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Icône : les saints Boris et Gleb

Boris et Gleb, les deux plus célèbres figures de l’hagiographie russe sont aussi les deux premiers saints martyrs de la jeune église kiévienne. Fils cadets du prince Vladimir, ils furent assassinés par leur demi-frère Sviatopolk le Maudit, en 1015, au cours de la guerre de succession qui a suivi la mort de Vladimir pour le trône de Kiev. Le canon élancé et aristocratique des personnages, aux pieds et mains menus, souligné par les lignes verticales des vêtements, et l’aspect hiératique de l’ensemble confèrent à l’icône un caractère emblématique. Habillés en costume princier traditionnel, ils portent l’épée et une croix pour rappeler leur martyre mais leurs visages sont fortement individualisés. Ces éléments permettent de proposer une datation autour de 1340, correspondant peut-être à la campagne de reconstruction du monastère de Zvérine à Novgorod à partir de 1335.
Novgorod, milieu du XIVe siècle ; tempera sur bois ; H. : 1, 62 m ; l. : 1,04 m ; prov. : une des chapelles du monastère Zvérine à Novgorod Moscou, Musée historique d'Etat, inv. : 99727/2 И-VIII 5754
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Recueil de Sylvestre : Vie des saints Boris et Gleb

Ce recueil rassemble une douzaine de textes de littérature ecclésiastique dont le Dit de Boris et Gleb constitue sans aucun doute le texte le plus précieux du recueil ; il relate les luttes de succession des années 1015-1019 au cours desquelles les princes Boris et Gleb périrent de la main de leur demi frère Sviatopolk. L’auteur, anonyme, qui écrit dans les dernières années du règne de Iaroslav le Sage, mort en 1054, s’écarte délibérément par son style des modèles hagiographiques byzantins et marque l’acte de naissance d’un nouveau genre russe, entre hagiographie et chronique : la vie des princes La copie est attribuée, sur des critères paléographiques, à la région ou à la ville même de Novgorod et datée de la seconde moitié du XIVe siècle.
Novgorod (?), seconde moitié du XIVe siècle ; parchemin, 216 folios ; H. : 30 cm ; l. : 22,5 cm ; prov. : a appartenu au milieu XVIe siècle au prêtre Sylvestre qui le laisse, à sa mort, au monastère de Saint-Cyrille de Beloozero Moscou, Archives d’État russes des documents anciens, Fonds 381, n° 53