Objectif
Réaliser qu’un portrait est avant tout un corps dans l’espace et que son positionnement donne des indications sur la psychologie du modèle tout comme ses vêtements et les accessoires dont il s’entoure.
Dispositif
Le travail se fait à deux : celui qui « prend la pose » travaille autant que celui qui « tire le portrait ». L’artiste et son modèle. L’élève qui pose va devoir réfléchir aux paramètres suivants : quelle position prend-t-il ? Regarde-t-il celui qui fait son portrait ? Que fait-il de ses mains ? Quel rôle jouent ses vêtements ? A-t-il un ou des objets près de lui ? Celui qui tire le portrait avec un appareil photographique va devoir réfléchir aux paramètres suivants : comment et jusqu’où cadrer le corps de son modèle ? Quel rôle donner à l’éclairage ? Quel point de vue adopter, quel format choisir ? Inverser les rôles afin que chaque élève soit tour à tour modèle et photographe.
Les travaux des élèves mettent en valeur la diversité des poses possibles. Pour chaque portrait, la classe détaille les choix établis par le modèle :
Trois portraits d’Ingres, présents dans les collections du Louvre, illustrent les différentes formules inventées par l’artiste pour traduire plastiquement la psychologie des modèles. Ces portraits des membres d’une même famille – Philibert Rivière, Sabine Rivière et leur fille Caroline - ont été peints en 1805 et sont aussi exemplaires par le choix de trois formats différents : rectangulaire pour le père, ovale pour la mère et cintré pour la jeune fille. Présenter aux élèves des portraits peints trente ans avant l’invention de la photographie, donne l’occasion de rappeler que ce sont les peintres qui ont exploré et établi les lois du genre.
Monsieur Rivière
Monsieur Rivière est assis dans un fauteuil vu exactement sur l’angle, dynamisant ainsi la pose. Ses jambes croisées forment un angle droit avec son corps. Son bras suit la courbe de l’accoudoir et sa main droite s’impose au premier plan. La main gauche est enfilée dans son habit au niveau de la taille. Son corps est placé de trois-quarts. Sa tête se tournant légèrement vers le spectateur, il nous regarde, l’air sûr de lui. Avec cette pose décontractée, Ingres donne l’impression de saisir le modèle dans l’intimité de son intérieur. Sa mise élégante est composée d’un habit de drap de laine noir, d’une culotte de tissu de coton jaune et d’un col de lingerie blanche. Philibert Rivière affiche ses bijoux : une breloque rouge pend à sa chaîne de montre, une bague en camée orne son médium droit. Certains accessoires donnent des informations sur le statut social du modèle : le fauteuil doré aux accoudoirs à tête de lion de style Empire, caractérise un intérieur bourgeois. Le point de vue placé suffisamment haut, à la hauteur du regard du modèle, permet de voir ce qui se trouve sur la table. L’un des livres représentés dont on aperçoit le titre « Rousseau – Œuvres » témoigne des goûts littéraires du modèle. La gravure, La Vierge à la chaise évoque l’admiration, partagée par le peintre et son modèle, pour Raphaël. Le peintre met donc en valeur les qualités d’érudit et d’amateur d’art de son modèle mais place aussi ses propres préférences : le cahier bleu sur lequel est inscrit le nom de Mozart rappelle la passion que le peintre avait pour le musicien. Coupé à mi-mollet, le cadrage est serré autour du modèle ; il laisse peu d’espace entre la tête et le bord supérieur du tableau ainsi qu’entre le montant du dossier du fauteuil et le côté gauche.
Madame Rivière
Madame Rivière est assise, à demie allongée dans une méridienne de velours bleu. Son buste et son visage sont vus de face. Ses jambes sortent hors du cadre. Un grand arc de cercle passe depuis son bras gauche, reposant sur un coussin, et rejoint sa main droite. Un parcours de courbes et de contre courbes utilise le mouvement du corps de la jeune femme et les multiples remous des drapés. Tout le tableau est d’ailleurs saturé de tissus et en décline les différents aspects : moirures du velours, brillances du satin, douceur du cachemire… Sabine Rivière ne nous regarde pas, elle fixe un point au loin, l’air rêveur. Elle porte une robe de satin blanc et un châle de cachemire alors à la mode. Les moindres détails sont assujettis à l’arabesque générale de ce portrait comme les boucles de la chevelure ainsi que les accessoires comme les cercles répétés du collier et du bracelet, les volutes de la marqueterie du siège.
Mademoiselle Rivière
Mademoiselle Rivière est présentée debout, coupée à mi-jambe. Le corps de trois quart et la tête presque de face. Elle nous regarde. Son bras droit pend le long du corps, accentuant la raideur et l’étroitesse du corps par rapport à l’énormité de sa tête. La « femme bilboquet » porte une robe de mousseline blanche dont les plis parallèles répètent la verticale rigide de son corps. Les courbes d’un boa d’hermine et l’horizontale ocre jaune de l’avant-bras gainé d’une mitaine de peau, animent cette rigueur. Une ceinture couleur argent souligne la taille haute de Caroline Rivière et prolonge l’horizon argenté du paysage à l’arrière plan. Ce fond de paysage, avec un plan d’eau et un clocher d’église rappelle ceux utilisés par les peintres des Madones de la Renaissance italienne, référence renforcée par l’utilisation d’un tableau cintré.
Vous pouvez retrouver cette séquence dans TDC (Textes et Documents pour la classe), numéro spécial Ingres, revue éditée par le CNDP en partenariat avec le musée du Louvre, le musée Ingres à Montauban et le musée de l'Arles et de la Provence antiques, mars 2006.
Laurence Brosse, professeur d’arts plastiques mis à disposition au service des activités éducatives et culturelles du musée du Louvre