Objectif
Traduire les relations entre les êtres d’une même famille par leur disposition physique dans l’espace. Constater comment les accessoires et le décor apportent une signification à dimension sociale et psychologique.
Dispositif
Composer un portrait de famille en dessinant les personnages dans leur environnement. Pour les visages des personnages, on utilisera des photographies ou des photocopies de photographies et la technique du collage.
Qu’est ce qu’un portrait de groupe ? Est-ce seulement l’addition de plusieurs portraits singuliers ? Comment traduire spatialement le lien entre les personnes ? La composition, la disposition et la posture des figures (debout, assise...), le cadrage (figure entière ou coupée) ...
Comment évoquer la place de chacun par rapport aux autres ? La proximité des corps, rôle du regard et des gestes des personnages, ...
Comment évoquer la place de chacun par rapport au spectateur de l’image ?
Quelle place donner aux accessoires, aux vêtements et à l'environnement des personnages et voir comment ceux-ci caractérisent les goûts et les intérêts des personnes représentées ?
En replaçant la production des élèves parmi quatre œuvres - dessin, peinture et photo - dans des époques s’étalant de 1817 à 1971, il s’agit aussi d’aller à l’encontre de l’idée préconçue de l’élève qui peut voir dans la photographie un médium « neutre » donnant une vision objective de la réalité. Comme le peintre, le photographe procède à des choix et donne une vision partiale et signifiante du réel.
La famille Stamaty
La famille Stamaty met en scène cinq personnages divisé en deux groupes. A droite, le père Constantin Stamaty, consul de France à Civita Vecchia, est debout. Il domine la composition. Sous lui, trois visages sont alignés, ceux du fils, de la mère et du plus jeune enfant. La ligne d’horizon arrive à hauteur des yeux de la mère lui donnant toute l’importance due à son rôle de garante de l’ordre familial. A gauche, un seul personnage, la jeune fille au sage chignon. La composition trouve pourtant un équilibre entre ces deux groupes, opposant aux verticales des figures à droite, un réseau d’horizontales constitué par le piano. La jeune fille qui égrène des notes au piano a sans doute été la première élève d’Ingres professeur de peinture. Prénommée Atala, son parrain n’était autre que Chateaubriand. Tous les personnages nous observent sauf le jeune garçon accoudé négligemment au dossier de la chaise de sa mère. Celle-ci retient contre elle le plus jeune enfant, au sexe encore indifférencié, (garçons et filles, quand ils sont enfants, portent les cheveux longs et des robes jusqu’au début du XXe siècle). Ses jouets traînent au premier plan. Les vêtements – le chapeau et le châle de cachemire de Madame Stamaty - ; les accessoires et les pratiques culturelles (dirait-on aujourd’hui) - tableau accroché au mur, piano, jouets d’enfant – donnent une image caractéristique de la famille bourgeoise au XIXe siècle.
La famille Bellelli
Edgar Degas représente sa tante, Laure, avec son mari et leurs deux filles dans leur intérieur cossu. La famille est répartie en deux groupes : la mère debout protectrice entourée de ses filles, l’une sage Giovanna et l’autre Giulia plus distraite, domine dans les deux tiers gauche du tableau. Au mur un dessin encadré de l’ancêtre de la famille, le grand-père René Hilaire de Gas, mort l’année où Degas commençait ce portrait collectif. Ce deuil récent explique les vêtements de couleur noire dont sont vêtus les trois personnages féminins. La pyramide féminine est perturbée par la position instable de la cadette Giulia qui se trouve exactement au centre géométrique du tableau, le profil tourné vers le père. Elle incarne le lien et marque dans le même temps la séparation entre ses parents. Le tiers restant est dévolu au père assis dans un fauteuil, vu de dos, tournant son profil vers ses filles. Le chien qui sort du champ de vision, les portes et les miroirs qui ouvrent des perspectives sans fuite possible, créent un climat de malaise. Initialement appelé Portrait de famille, ce tableau illustre bien la position de la mère dans la famille bourgeoise qui règne sur son intérieur et sur son foyer. Au delà de la célébration traditionnelle de la famille, image de la réussite économique et sociale, ce tableau des années de jeunesse de Degas traduit plus particulièrement les tensions conjugales entre les époux Bellelli.
L'album de la famille D. 1971 Christian Boltanski (1944- )
150 photos n/b encadrées Galerie Durand-Dessert.
150 photographies sont alignées et encadrées. Parfois floues ou mal cadrées, ces photos d’amateurs proviennent des souvenirs personnels de la famille D. Dans chaque famille, l’album de photographie garde précieusement la trace, la mémoire des événements passés. En tentant de pénétrer dans les souvenirs de cette famille et de reconstituer son passé, Christian Boltanski dit n’avoir rien appris au contraire, selon lui, la photographie ment, elle interprète la réalité. Ces images rappellent des instants vécus par notre propre famille. Postures et situations ressemblent étrangement à notre enfance ou celle de nos parents. Plus que les souvenirs de cette famille, ces images font partie du souvenir collectif.
D’autres artistes contemporains comme Geneviève Cadieux (1955- ) explorent le thème de la représentation de la famille. Dans son installation photographique Portrait de famille de 1991 (dont on peut voir plusieurs vues sur le site internet CyberMuse, collection permanente du Musée des beaux-arts du Canada), l’artiste canadienne met en scène le malaise familial qui se joue entre son père, sa mère, sa sœur et elle-même, présente par l’acte photographique.
Vous pouvez retrouver cette séquence dans TDC (Textes et Documents pour la classe), numéro spécial Ingres, revue éditée par le CNDP en partenariat avec le musée du Louvre, le musée Ingres à Montauban et le musée de l'Arles et de la Provence antiques, mars 2006.
Laurence Brosse, professeur d’arts plastiques mis à disposition au service des activités éducatives et culturelles du musée du Louvre