Lettres, Histoire des Arts, seconde
Objectif
Appréhender à partir d'un genre, celui du portrait, la commande, la société, les rapports au pouvoir. Découvrir les enjeux artistiques d'Ingres.
Étudier la modernité des portraits d'Ingres, un artiste inclassable et qui échappe aux catégories, "ni romantique, ni classique, ni moderne ni académique, ni rebelle ni réactionnaire" (Andrew Carrington Shelton).
Cette séquence peut s'appuyer sur l'étude préalable de portraits de la Renaissance.
Consignes
Recherches préalables : faire une notice biographique sur Ingres et sur Baudelaire et se renseigner sur l'Exposition universelle de 1855.
Dans la séquence :
Éléments de réponse
Charles Baudelaire (1821-1867) est un des plus célèbres critiques d'art du XIXe siècle, "le prophète de l'âge moderne" a-t-on dit. Au XIXe siècle, la critique d'art apparue au siècle précédent devient un genre très en vogue. Comme au XVIIIe siècle avec Diderot, elle est le fait d'écrivains et de poètes tels Théophile Gautier, Eugène Fromentin, et Émile Zola. Elle est favorisée par la multiplication des journaux qui ouvrent leurs colonnes à l'actualité artistique tels le Journal des débats ou la Revue des deux mondes, l'Artiste et l'Illustration. Baudelaire signe sa première critique à l'occasion du salon de 1845, il a alors 24 ans. Ce texte a été écrit au moment de l'Exposition universelle de 1855 dans laquelle Ingres exposa quarante-trois tableaux. Considéré alors comme une gloire nationale, c'était l'artiste français le mieux représenté. L'article rédigé par Baudelaire fut d'abord refusé par le journal Le Pays, puis accepté par Le Portefeuille et publié le 12 août 1855. Il fut repris dans Curiosités esthétiques, en 1868. (C'est le texte reproduit ici)
Baudelaire, fervent admirateur d'Eugène Delacroix le chef de file des romantiques, porte un jugement réservé sur Ingres. Ingres est pour lui et à la différence de Delacroix, dénué d’inventivité. S'il lui reconnaît du talent ou des talents, il réprouve son manque d'imagination qui le pousse à se référer à la tradition raphaélesque mais aussi à des sources variées (les primitifs allemands, Poussin et Carrache) dont il dénonce l'éclectisme et l'archaïsme. Il relève aussi chez Ingres son goût de l'antique ("l'amour et l'influence de l'antiquité se sentent partout") Globalement, il le considère "dénué de ce tempérament énergique qui fait la fatalité du génie".
Sensible "au charme bizarre" de l'œuvre d'Ingres, il note aussi ses réussites : le primat du dessin et l'art du portrait, "un genre dans lequel il a trouvé ses plus grands et légitimes succès". Baudelaire voit juste quand il met l’accent sur le goût du style qui pousse le peintre à introduire dans ses œuvres des déformations anatomiques pour mieux "amender la nature". L'analyse de Baudelaire est avec d'autres à l'origine de l'historiographie d'Ingres. Baudelaire tout en reconnaissant en lui un grand portraitiste, le considère comme un peintre inscrit dans des traditions héritées du passé, et comme un artiste "académique" auquel il manque le génie créateur. Ces positions sont aujourd'hui remises en question depuis que l'on s'est rendu compte de la dette que les modernistes -Picasso et Matisse entre autres- avaient à son égard. Le regard porté sur son œuvre est désormais renouvelé par cette approche formaliste.
Vous pouvez retrouver cette séquence dans TDC (Textes et Documents pour la classe), numéro spécial Ingres, revue éditée par le CNDP en partenariat avec le musée du Louvre, le musée Ingres à Montauban et le musée de l'Arles et de la Provence antiques, mars 2006.
Maryvonne Cassan, professeur d’histoire des arts mis à disposition au service des activités éducatives et culturelles du musée du Louvre