Mantegna et la gravure
En 1550, dans sa "Vie" de l'artiste, Giorgio Vasari faisait de Mantegna l'inventeur de la gravure sur cuivre en Italie, créant ainsi un véritable mythe. La question divise toujours les spécialistes : certains ont tendance à considérer que l'artiste n'a pas manié lui-même le burin mais qu'il a fourni des dessins à des praticiens afin qu'ils soient traduits en gravure. En tant que peintre de cour, Mantegna était soumis à un contrôle très strict de la part des Gonzague qui lui interdisaient de vendre ses œuvres et cette nouvelle technique de reproduction, au-delà de ses qualités expressives propres, lui permettait de faire connaître ses inventions en dehors de Mantoue. Mais le contrat qu'il signe en 1475 avec Gian Marco Cavalli est très explicite : le jeune orfèvre est dans l'obligation de tenir ses modèles et ses estampes secrets, sous peine d'une pénalité sévère ; pour avoir enfreint cette interdiction, Simone Ardizzoni, un autre graveur, fut bastonné sur ordre de Mantegna et alla réclamer justice au marquis.
L'inventaire des biens de Ludovico, le fils de Mantegna, disparu en 1510, fait état de plusieurs plaques de cuivre sur lesquelles étaient gravées des compositions exposées dans cette salle.
La diffusion des modèles "mantégnesques"
Des documents d'archives attestent les rapports étroits noués par Mantegna avec le monde des arts appliqués et nous éclairent sur la diffusion, rapide et ample, de ses inventions. Sa collaboration avec des artisans, semble avoir été fructueuse : il livre ainsi des modèles pour des lampes de métal, des tapisseries ou des récipients … Aucun, hélas, n'a survécu.
Parmi les dessins d'art décoratif de cette époque qui nous sont parvenus, on s'est efforcé de retrouver des échos du "style Mantegna" ou des idées de l'artiste : la feuille avec un oiseau de Washington, par exemple, pourrait être liée au somptueux mât de bois, sculpté et peint d'animaux par Mantegna qui soutenait la tente offerte en 1494 par le duc de Ferrare Ercole I d'Este au roi de France Charles VIII, à l'occasion de son arrivée en Italie.
Certains artistes ne se sont pas privés d'exploiter ses inventions, à son insu, dans des pièces uniques ou dans une production en série : ainsi, deux sculpteurs lombards, les frères De Donati, interprètent de manière sentimentale la Mise au tombeau, et l'enlumineur de l'Histoire naturelle de Pline l'Ancien emprunte à la célèbre gravure sur le thème du Combat des dieux marins le motif des deux tritons armés de poissons en duel.