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Le Louvre,

de la forteresse royale au triomphe du musée

L’histoire du Louvre est un condensé à la fois de

l’histoire de France et de l’histoire des musées.

C’est ce qui fait de l’histoire de ce musée une

histoire qui le dépasse, tant elle articule de

questionnements historiques fondamentaux sur

l’histoire de France, mais aussi celle de l’Europe,

et sur l’histoire même de la notion de patrimoine

en France et des musées en Europe. Si le Louvre

n’est pas le premier musée du monde, au sens

de collections ouvertes au public - il peut y avoir

débat sur le premier musée moderne

1

, mais parmi

les musées aujourd’hui comparables au Louvre,

il est certain que le British Museum, fondé par le

Parlement britannique en 1753 et ouvert en 1759,

est plus ancien -, il s’inscrit bien dans l’histoire

de l’émergence des musées en Europe, au temps

des Lumières, et a marqué profondément cette

histoire.

L’histoire du Louvre peut être qualifiée de

condensé de l’histoire des musées à divers égards :

par son histoire intimement liée au pouvoir et

au politique ; comme beaucoup des grands musées

du monde, l’histoire du lieu (palais royal, impérial

puis républicain), de ses collections (collections

royales puis nationales), est une histoire politique,

reflet de l’histoire de France, voire d’Europe. C’est

d’autant plus vrai pour un Louvre qui a vécu,

parfois subi, tous les grands moments de l’histoire

de France, dont la naissance administrative (et

non conceptuelle puisque le Louvre-musée doit

sa naissance à l’Ancien Régime) trouve sa source

dans la Révolution française et dont les dernières

présences du pouvoir politique ont perduré

jusqu’en 1989 à travers le ministère des Finances ;

par son histoire intellectuelle et culturelle

européenne, qui trouve sa source dans l’Europe

des Lumières et poursuit son développement

tout au long du 19

e

siècle, dans une optique de

savoirs encyclopédiques où le musée joue un rôle

primordial. Le Louvre a été le lieu de création

d’une grande majorité des premiers musées

nationaux, dont sont héritiers aujourd’hui les

musées tels que nous les connaissons. Il a aussi été

le modèle des musées des beaux-arts de beaucoup

de villes de France. Véritable musée universel au

19

e

siècle, le Louvre est le lieu majeur de l’histoire

des collections muséales françaises ;

par son histoire institutionnelle de «musée de la

Nation» : musée créé pour les citoyens de la jeune

République, symbole même de la République

succédant à la monarchie, le modèle du Louvre

comme musée national (au sens fort) a fortement

impacté toute l’histoire des musées européens du

19

e

siècle ; il a également irrigué toute l’histoire des

musées en France, à travers cette notion, encore

au cœur du projet du Louvre et des musées de

France, de « collections nationales », à partir de

laquelle se sont construits, après 1802, les premiers

musées de France.

Si l’histoire du Louvre est essentielle comme

point de départ de toute définition de son identité

et de son avenir, c’est non dans une optique de

rappeler simplement les faits et dates du palais du

Louvre, mais bien parce qu’elle explique un très

grand nombre des enjeux d’avenir de ce musée :

par les traces de cette histoire dans l’architecture

et la muséographie du Louvre d’aujourd’hui,

par la formation des collections du musée, par

la définition progressive des missions du musée,

notamment dans l’articulation entre présentation

des collections, mise en réserves et politique de

dépôts, et enfin par l’histoire des liens entre le

Louvre, l’administration des musées et l’ensemble

des musées français.

1 - Parmi les premiers musées, on peut citer : les premiers cabinets de curiosités de particuliers ouverts au public (le cabinet d’Amerbach à Bâle en 1671, suivi

de près par le Musée ashmoléen d’Oxford en 1683), le British Museum s’inscrivant d’ailleurs lui aussi dans cette lignée ; les premières collections royales ou

princières ouvertes au public (collections saxonnes avec la Grünes Gewölbe de Dresde ouverte en 1723, les collections pontificales avec les musées du Capitole dès

1734 puis le musée Pio-Clementino en 1771, les Offices en 1759…).