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L'art de Praxitèle, un moment dans l'évolution de la statuaire grecque : Représenter le corps masculin
(Maryvonne Cassan, professeur d'histoire des arts, mis à disposition au musée du Louvre)Objectifs
- Comprendre l'évolution de la représentation masculine de l'époque archaïque à l'époque hellénistique
- Etudier la place de Praxitèle dans cette évolution
Six oeuvres ont été choisies : le Couros d'Actium vers 550 av J-C, l'Apollon du type de l'Apollon de Cassel, l'Arès Borghèse, l'Apollon sauroctone de Praxitèle, Hermès à la sandale, Marsyas supplicié.
On peut comparer des oeuvres d'époques différentes pour retracer l'évolution des systèmes de représentation en mettant l'accent sur :
- les dimensions
- les proportions des différentes parties du corps
- le modelé
- la géométrisation des formes et ou leur rendu naturaliste
- le visage et l'expression
- la représentation du corps nu
Quelques questions de synthèse peuvent être proposées :
- la représentation du mouvement (voir pistes pédagogiques arts plastiques : La problématique du mouvement)
- la sculpture grecque : entre idéalisme et réalisme
Fig. 1 : Le Couros d'Actium Vers 550 av. J.-C., Musée du Louvre, Ma 687
Cette statue en marbre a été trouvée à Actium dans le sanctuaire d'Apollon. Oeuvre votive, on ignore s'il s'agit d'une représentation du dieu ou d'un dédicant. Incomplète, elle présente une partie du corps d'un jeune homme, de la base du cou au genou. Le bras droit placé le long du torse se prolonge par un poing fermé tandis que la jambe gauche s'avance légèrement. Cette statue appartient à un type de représentation conventionnel qui domine pendant toute l'époque archaïque, entre le VIIe siècle et le Ve siècle, dans les différents territoires grecs : le couros. La symétrie, la raideur du corps nu et son idéalisation, la frontalité, le hiératisme en sont les caractéristiques principales de même que le traitement graphique de certaines parties : une incision rend compte de la cage thoracique. La figure humaine semble construite par un assemblage de volumes. Cependant la schématisation s'accompagne ici de la recherche d'un rendu plus naturel que l'on observe au niveau de la poitrine. Le sculpteur traite en modelé cette partie du torse ce qui indique que tout en respectant les formules archétypales du couros ,"la forme modèle", il l'interprète et on perçoit des variations, des "styles" différents d'une cité à l'autre et différents dans le temps.On peut compléter cette étude par l'analyse de la tête du Cavalier Rampin (Ma 3104, Fig. 2), vers 550 av.
J.-C., qui présente un certain nombre de conventions communes aux statues d'époque archaïque : barbe et chevelure traitées comme un ornement, léger sourire, yeux en amande, pommettes hautes et saillantes.
Fig. 3 : L'Apollon du type de l'Apollon de Cassel
d'après un original de 460 av J.-C., Musée du Louvre, Ma 884
Cette copie romaine a été réalisée d'après un original attique créé vers 460 av. J.-C. Elle représente le dieu jeune et nu, debout, la jambe droite qui avance tandis que la gauche s'appuie sur un tronc d'arbre. Ce tronc est moderne et a pour but d'assurer une bonne stabilité de la statue en marbre. L'original était probablement en bronze. Les bras sont incomplets mais l'on pense que la main gauche tenait un arc, attribut du dieu et la droite peut-être une branche de laurier. Le visage empreint de gravité est entouré d'une coiffure complexe remarquable par le jeu savant des mèches bouclées et des tresses. L'original de l'oeuvre est attribué à Phidias un des plus célèbres sculpteurs athéniens du Ve siècle, ou à Calamis un autre sculpteur athénien contemporain.
Cette oeuvre est exemplaire de la statuaire grecque d'époque classique (Ve IVe siècles). Elle appartient au style qualifié de "sévère" un style qui domine entre 480 et 450 av. J.-C. Au Ve siècle, les sculpteurs grecs et notamment athéniens se libèrent de l'archétype du couros par un rendu plus fidèle de l'anatomie. Les volumes des principales parties du corps sont modelés, les attitudes s'assouplissent. Le dieu est représenté en mouvement notamment grâce au basculement des hanches qui correspond à l'avancée de la jambe droite tandis que la jambe gauche est libre. Le souci des proportions dans le rendu de la figure humaine est manifeste et c'est à cette époque que Polyclète invente le Canon: le corps correspond à sept fois la taille de la tête. Cette théorie de la représentation humaine resta en vigueur dans la sculpture grecque pendant un siècle.
Fig. 4 : L'Arès Borghèse
d'après un original grec du Ve siècle av. J.-C. , Musée du Louvre, Ma 866
La statue reconnue comme une copie de l'Arès d'Alcamène fin Ve siècle av. J.-C. a sans doute été réélaborée au début du Ier siècle.
Plus grande que nature, elle mesure 2,12m
L'original se trouvait dans le temple de l'Agora d'Athènes. La statue représente le dieu Arès en jeune homme nu imberbe et casqué, un anneau à la cheville droite. Cette oeuvre permet d'évoquer l'évolution du nu masculin. Les jambes sont obliques par rapport au reste du corps, l'une porte le poids du corps tandis que l'autre, libre, est fléchie. Les hanches sont de biais. L'oeuvre rompt avec le statisme des statues archaïques et donne une impression de mouvement. La tête est inclinée conférant au visage une expression mélancolique. Le traitement de la musculature puissante formant au niveau du torse une"cuirasse anatomique" est obtenu grâce à un modelé précis et l'on peut remarquer le chiasme (le "croisement "des lignes) qui organise le torse. Il assure à la statue de ce nu viril une impression d'équilibre et d'harmonie.
Alcamène est après Phidias et Polyclète un des sculpteurs athéniens les plus célèbres. Il aurait été l'élève de Phidias et membre de l'équipe de sculpteurs auteurs des Caryatides de l'Erechtéion. Par ses proportions harmonieuses, l'Arès d'Alcamène prend en compte l'apport de Polyclète inventeur et auteur du Canon et dont les oeuvres de référence sont le Diadumène et le Doryphore.
Fig. 5 : L'Apollon Sauroctone
Copie romaine du Ier siècle d'un original de Praxitèle, Musée du Louvre, Ma 441
Cette oeuvre en marbre est considérée comme une des meilleures répliques d'un original de Praxitèle créé vers 350 av. J.-C. Découverte au XVIIe siècle à Rome, elle a conservé sa tête d'origine, la position des bras, le tronc et le lézard. C'est une des oeuvres les plus célèbres de Praxitèle et ce, dès l'Antiquité, car il existe de nombreuses répliques antiques y compris sur les gemmes et les monnaies. Pline semble l'avoir vue à Rome et la décrit ainsi : "Il a fait aussi un Apollon adolescent qui guette, avec une flèche, un lézard qui rampe près de lui". Pline (Histoire Naturelle, XXXIV). Le dieu est représenté comme un jeune homme à la silhouette gracile et souple ; la musculature est peu marquée. Un de ses bras s'appuie sur le tronc d'arbre situé à l'arrière tandis que de la main droite il s'apprête à attraper un lézard. La pose d'Apollon est caractéristique de l'art de Praxitèle : il est représenté la tête inclinée vers l'épaule gauche, les hanches en sens inverse de celui des épaules ce qui lui confère une ligne sinueuse. Vu de face, le corps juvénile au modelé délicat s'inscrit dans une courbe qui part du bras droit et va jusqu'au sol et qui est fermée par le tronc d'arbre. Ce tronc assure la stabilité de l'ensemble mais constitue aussi un élément à part entière de la composition. Le regard et les mains convergent vers le lézard. Le visage fin est encadré d'une chevelure travaillée soigneusement. Par cette oeuvre, Praxitèle renouvelle le nu masculin. S'il reprend le canon et le schéma de composition de Polyclète, il innove par l'accentuation des courbes d'un corps masculin juvénile. Il adopte les mêmes formules et notamment le hanchement prononcé dans des oeuvres comme le Satyre verseur ou l'Ephèbe de Marathon, cette statue en bronze considérée comme un original de Praxitèle et trouvée au large de Marathon.
Fig. 6 : L'Hermès à la sandale
Copie romaine d'après un original créé par Lysippe vers 320 av. J.-C., Musée du Louvre, Ma 83
Cette oeuvre en marbre est une copie romaine d'une oeuvre de Lysippe réalisée en bronze. La transposition du bronze au marbre explique la position du tronc d'arbre, nécessaire pour assurer la stabilité de la statue en marbre mais qui n'existait pas dans l'original en bronze. La statue d'Hermès à la sandale s'inscrit dans "la tradition des nus athlétiques pratiquée depuis Polyclète dans la seconde moitié du Ve siècle" (J-L Martinez). On peut remarquer le traitement très juste de la musculature. Mais l'oeuvre montre aussi les apports et les innovations de Lysippe. Parmi elles, on peut remarquer les proportions élancées du corps. L'oeuvre est exemplaire du nouveau canon inventé par Lysippe au IVe siècle, différent du canon classique de Polyclète. Pline l'Ancien évoque cette innovation : "il remplaça par des rapports nouveaux non utilisés jusqu'ici, les statures carrées des anciens". La tête est petite tandis que le corps élancé a huit fois sa dimension. L'inscription de l'oeuvre dans l'espace offrant plusieurs angles de vision est une autre innovation. Grâce à la position du corps penché, à celle des jambes, à la torsion du buste et à celle de la tête, la statue peut être appréciée de tous côtés. Lysippe réussit à animer la figure tout en lui conservant sa stabilité. Loin des représentations majestueuses des dieux de l'époque classique, il s'attache à montrer un instant, une anecdote, le moment où le dieu messager s'arrête et relace ses sandales. Le geste est d'une grande banalité et l'on ne soupçonne pas qu'il s'agit d'un dieu. Lysippe qui fut portraitiste d'Alexandre est avec Praxitèle l'un des plus célèbres sculpteurs du IVe siècle. Pline fait dire à Lysippe : "il disait couramment que les anciens représentaient les hommes tels qu'ils sont, lui tels qu'ils semblent être".
Fig. 7 : Marsyas supplicié
Ier IIe siècle apr. J.-C., Marbre, Musée du Louvre, Ma 542
Cette oeuvre est une copie romaine d'un original de l'époque hellénistique. L'original a été crée à Pergame dans la seconde moitié du IIIe siècle av. J.-C. La statue en marbre et en ronde bosse est d'une hauteur de 2m 50. Elle montre Marsyas un satyre, condamné à être écorché vif pour avoir défié Apollon. Elle est d'une nouveauté radicale car elle représente un corps non pas debout mais suspendu et ainsi renouvelle le nu masculin. On peut noter l'importance du traitement anatomique des muscles distendus et de la cage thoracique aux côtes apparentes, d'un réalisme très fort. La représentation de ce corps supplicié et le visage exprimant l'horreur témoignent d'un nouveau regard et des nouvelles problématiques de la sculpture grecque de l'époque hellénistique. Si de nombreux sculpteurs créent des oeuvres à la manière de l'époque classique voire archaïque ce dont témoignent certaines statues conservées au Louvre (Apollon Piombino, Guerrier combattant), une autre tendance plus "baroque" fait place au pathétique et à l'expression des sentiments ou comme c'est le cas ici, illustre une histoire tragique. L'oeuvre est donc révélatrice de l'évolution de la sculpture qui, à l'époque hellénistique, fait une large place aux effets de théâtralité.
En savoir plus : Sélection de références
- Praxitèle, sous la direction d'Alain Pasquier et de Jean-Luc Martinez, Catalogue de l'exposition, Musée du Louvre/Somogy, 2007
- Haskell F., Penny N., Pour l'amour de l'Antique, La Statuaire gréco-romaine et le goût européen, Hachette, Paris, 1999.
- Holtzmann B., Pasquier Alain, L'Art grec, Manuel de l'Ecole du Louvre, Paris, 1998
- Pasquier A., Le Louvre: les Antiquités grecques étrusques et romaines, éditions Scala, Paris, 1998
- Rodin A., L'Art, entretiens réunis par Paul Gsell, Grasset, Paris, 1911
- Rolley Cl., La Sculpture grecque, 2 tomes, Paris, 1999
- Les Antiquités grecques, Guide du visiteur, 2002
Site education.louvre.fr .Parcours de visite : La sculpture grecque : Les Grecs à la conquête du corps humain.
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