Partir à la recherche de Praxitèle, c'est identifier les types statuaires les plus sûrs attestés par les textes, les monnaies et les copies.

L'Apollon Sauroctone



L'Apollon " tueur de lézard " est sans doute le type statuaire attribué à Praxitèle le mieux connu par les sources littéraires et numismatiques après l'Aphrodite de Cnide (une vingtaine de répliques romaines en marbre et en bronze). Son sujet singulier permet une identification et une attribution à Praxitèle assurées même si signification, fonction et localisation originelle nous restent inconnues. Pline écrit que Praxitèle a exécuté en bronze de très beaux ouvrages : " il a fait un Apollon dans l'âge de la puberté qui, une flèche à la main, guette un lézard rampant vers lui : on l'appelle le Sauroctone ".
La figure masculine debout, nue, jeune est associée à un lézard grimpant sur un arbre. Fortement hanché, le buste basculant vers la gauche, le bras gauche dressé vers l'avant, Apollon s'appuie contre l'arbre tandis que son geste le fait pivoter. L'agencement de sa coiffure est très sophistiqué.
Plusieurs controverses agitent la communauté scientifique : S'agit-il d'un adolescent (dans les propos de Pline) ou d'un enfant (selon Martial) ? D'autre part, deux types semblent se distinguer, l'un où l'Apollon est proche du tronc comme dans le modèle du Vatican, l'autre où il en est plus éloigné comme dans celui du Louvre : si l'on se base sur les monnaies, le type original serait celui du Louvre ; en revanche, l'appui nécessaire à la stabilité de l'oeuvre désigne le modèle du Vatican proche du tronc comme le plus ancien. Si l'on confronte tous les types de l'Apollon Sauroctone, il en résulte que les auteurs des répliques ont peu à peu mêlé le type statuaire du Sauroctone avec ceux des Erotes (Eros) praxitéliens avec de nombreuses variantes dans la représentation du lézard lui-même, sans que prédomine un schéma particulier.
Le contexte de la création est encore plus obscur : pour qui et pour où cette oeuvre fut-elle créée. L'origine des monnaies ne nous renseigne guère : sur celles d'Apollonia en Mysie, l'Apollon qui figure n'est pas un sauroctone ; pour celles de Nicopolis, il faut savoir que la ville a été fondée beaucoup plus tard sous Trajan. L'iconographie même du tueur de lézard associée à Apollon n'est attestée dans aucun texte ce qui n'empêche pas les interprétations les plus fantaisistes.
Le rajeunissement des types divins et l'ambiguïté sexuelle seraient caractéristiques de Praxitèle et de son temps. Cet Apollon serait l'écho masculin des recherches du maître athénien sur la nudité des corps comme l'est Cnide pour le type féminin, entre la fidélité au type polyclétéen du Satyre verseur vers 370 et la figure plus souple en appui de l'Hermès d'Olympie vers 340.
Certains auteurs ont rejeté son attribution à Praxitèle et parlent même d'un pastiche d'oeuvre grecque créé pour la clientèle romaine du Ier siècle avant J.-C. par un certain Pasitélès. Cependant une telle création paraît possible au IVe siècle : des reliefs votifs attestent que les sculpteurs grecs étudiaient des attitudes équivalentes, intégrant des arbres dans leur composition ; la vision privilégiée de face, le goût des contours clairs et la composition fermée … tout ceci rend plausible une attribution à Praxitèle.