On ignore les circonstances de la commande et la destination initiale de l’imposant Saint Sébastien, acquis en 1910 par le Louvre. Il est probablement arrivé à Aigueperse en Auvergne au début des années 1480 à l’occasion du mariage en 1481 de Gilbert de Bourbon-Montpensier (gouv. 1486 -1496) avec Chiara Gonzaga, la fille du marquis Federico, peut-être au titre de la dot exorbitante versée par son père. Rien ne prouve qu’il ait été peint pour cet événement précis. Au XVIIe siècle, le tableau est décrit avec force éloges dans la Sainte-Chapelle mais le nom de son auteur est déjà tombé dans l’oubli.
Avant de quitter Mantoue, le Saint Sébastien de Mantegna semble avoir impressionné Bernardino da Parenzo qui transpose la composition et le décor de ruines à l’antique de la grande toile dans son petit panneau. C’est plutôt en Auvergne que l’aurait admiré Antonio Maineri, un peintre actif à Bologne, parti pour la France, si l’on en croit les documents, rejoindre Gilbert de Bourbon en 1481.
La commande en 1490 d’une Nativité à Benedetto Ghirlandaio – que l’on sait en France entre 1486 et 1493 – illustre bien le goût italianisant de la cour d’Aigueperse mais ce tableau aimable, d’une inspiration anecdotique, est aux anti-podes de la monumentalité, de la veine antiquisante et des effets scénographiques du Saint Sébastien de Mantegna.
De la chambre des époux au séjour romain
Après l’achèvement de la Chambre des Epoux, et même au lendemain de la mort de Ludovico Gonzaga (1478), son vieil ami, la réputation de Mantegna est considérable. Ses successeurs, les marquis Federico et Francesco II, lui accordent leur confiance et le rythme des commandes ne faiblit pas.
À la fin des années 1480, le pape Innocent VIII fait appel à lui pour décorer sa chapelle au Belvédère du Vatican, sa nouvelle résidence : le marquis Francesco accepte de se séparer de lui et l’artiste résidera près de deux ans, entre 1488 et 1490, dans la Ville éternelle.
Pour qui avait passé sa jeunesse à rêver de l’Antiquité, la confrontation avec les ruines romaines aurait dû être une occasion extraordinaire d’approfondir ses connaissances archéologiques et de renouveler son approche.
Il n’en fut rien, semble-t-il, et malgré les honneurs dont il est entouré, cet homme, âgé d’une soixantaine d’années, se sent exilé.
Aux années 1485-1490 sont parfois rattachées des oeuvres qui trahissent sa fascination pour le passé antique : La Vierge et l’Enfant entre saint Zacharie et sainte Élisabeth évoque dans la présentation hiératique des personnages, disposés en frise, un relief funéraire romain.
De la même manière, la figure tragique du Christ soutenu par deux anges, qui se détache sur un ciel d’aube est assise sur un somptueux sarcophage de porphyre à l’antique. L’admirable linceul blanc est l’une des plus belles réussites du peintre.