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Théophile Gautier le critique d'art le plus laudateur sur l'art d'Ingres a décrit Paolo et Francesca en ces termes :


« Le succès de la Ristori dans la tragédie de Silvio Pellico donne un intérêt d'actualité au délicieux petit tableau de Paolo et Francesca, qu'une lithographie fort bien faite a d'ailleurs déjà popularisé. Le volume de Dante, qui portait en marge les dessins à la plume de Michel Ange, a été perdu malheureusement ; on aurait pu y inscrire au trait la composition de M. Ingres : Paolo allonge son cou avec un mouvement d'oiseau amoureux pour atteindre la bouche de Francesca, qui laisse tomber le livre "où l'on ne lut pas davantage." Au fond apparaît le Malatesta difforme et boiteux, Sganarelle féroce, tirant du fourreau sa grande épée, pour trancher sur leur tige ces deux beaux lis du jardin d'amour. -Jamais le gracieux épisode du cinquième cercle de l'Enfer d'Alighieri n'a été traduit plus intelligemment.

M. Ingres qui était si grec dans l'Apothéose d'Homère, si romain dans le Martyre de saint Symphorien, si oriental dans ses diverses Odalisques, est ici un vrai imagier du moyen âge, plus la science du dessin et le style qu'il n'oublie jamais. Cette facilité à s'empreindre de la couleur locale d'un sujet est une des nombreuses qualités du grand artiste qu'on a le moins remarquées et sur laquelle nous insistons, car nul n'a poussé plus loin cette puissance de transformation.
»


Théophile Gautier Le Moniteur universel, 12 et 14 juillet 1855