Trajectoires 2023

13 Bilan d’activité - 2023 Marine Terrace de Victor Hugo, une « splendide relique d’amour et d’art » Offert par la Société desAmis duLouvre, ce chef-d’œuvre dont le caractère insigne est souligné par tous les spécia- listes de Victor Hugo, a été classé Trésor national en 2020. D’une grande inventivité formelle, cette composition per- met de comprendre l’intérêt que les surréalistes porteront à l’œuvre dessinée de Victor Hugo : surnaturel émanant du quotidien, disproportion, esthétique du collage… C’est l’une des œuvres les plus représentatives des années d’exil de l’écrivain et dessinateur. LE MOT DE XAVIER SALMON, directeur du département des Arts graphiques « Les initiales de Victor Hugo et de Juliette Drouet s’entrelacent dans le ciel de manière presque charnelle, jouant du rouge et du noir. Elles semblent se gonfler telle une voile livrée au vent au-dessus d’une mer d’huile d’où émerge une maison aux allures de fortin, frappée par le soleil et environnée d’ombres. Le dessin compte au nombre des chefs- d’œuvre imaginés par Hugo qui prend soin d’en révéler le titre, MarineTerrace , et d’en donner la date, le 21 mai 1855. Contraint à l’exil après avoir tenté d’organiser la résistance lorsque Louis-Napoléon Bonaparte conduisit son coup d’État le 2 décembre 1851, l’écrivain s’était dans un premier temps établi à Bruxelles, avant de rejoindre l‘île de Jersey où il débarqua le 5 août 1852. Il y retrouva Adèle Foucher, son épouse, leur fille Adèle, et Auguste Vacquerie, dont le frère Charles avait épousé Léopoldine Hugo, mais aussi sa maîtresse Juliette Drouet. Tandis que la famille Hugo s’installait à Marine Terrace au sud de l’île face à la mer, Juliette résidait dans une maison séparée. Décrite comme un lourd cube blanc à angles droits d’aspect mélancolique en toutes saisons, Marine Terrace abrita la famille jusqu’en octobre 1855. L’écrivain banni y écrivit Les Châtiments et plusieurs poèmes pour Les Contemplations . Il s’y livra également au dessin. Parmi les œuvres graphiques du maître, Marine Terrace est assurément l’une des plus spectaculaires. Véritable ode amoureuse qui magnifie les initiales de l’aimée, la feuille fut offerte par Victor Hugo à Juliette Drouet en mai 1855 pour la sainte Julie. De longue date, le poète reconnaissait en Juliette celle qui l’aidait à poursuivre son œuvre. En 1833, dans le Cahier de l’anniversaire , il avait écrit : “Je suis la barque errante et vous êtes la voile / Je flotte et vous me conduisez”, corrigeant ce dernier vers dans la version publiée en “Je dérive et vous m’entraînez”. Reptiliennes, les initiales de Juliette auxquelles s’arriment celles d’Hugo sur le dessin n’expriment pas autre chose. » Victor Hugo, «Marine Terrace », 1855

RkJQdWJsaXNoZXIy NDYwNjIy