Trajectoires 2023

Préserver, enrichir et transmettre notre patrimoine culturel et naturel Bilan d’activité - 2023 12 La Dérision du Christ de Cimabue, une œuvre fondatrice Le musée du Louvre a fait l’acquisition de La Dérision du Christ de Cimabue (vers 1240- 1302) pour le département des Peintures. Tombé dans l’oubli, ce panneau rarissime du grand peintre florentin a été retrouvé en 2019 dans une collection particulière à Compiègne. Si l’on ignore sa destination d’origine, les études de laboratoire menées en vue de son acquisition ont confirmé qu’il appar- tenait au même ensemble, vraisemblable- ment un grand diptyque, que deux autres petits panneaux peints par Cimabue : l a Flagellation du Christ (New York , Frick Collection) et La Vierge et l’Enfant (Londres, National Gallery). Classé Trésor national et qualifié de « pre- mier tableau moderne » de la peinture occidentale, ce chef-d’œuvre essentiel pose les jalons d’une nouvelle manière de peindre qui s’est ensuite épanouie au 14 e siècle sous les pinceaux de Giotto ou des grands Siennois (Duccio, Simone Martini, les frères Lorenzetti) avant de gagner Avignon, l’un des sièges de la papauté, et le reste de l’Occident. L’art de Cimabue, dont cette œuvre témoigne admi- rablement, contient en germe des questions qui seront au cœur des préoccupations des peintres de la Renaissance : la représentation illusionniste de l’espace, celle du corps, de la lumière et des sentiments humains. L’humanisation des personnages, représentés à la mode de la fin du 13 e siècle avec leurs chausses colo- rées et leurs épées aux fourreaux précieux, ainsi que la complexification progressive des architectures, marquent véritablement le passage d’une peinture qui cherchait à rivaliser avec les icônes à une peinture à la modernité revendiquée. LE MOT DE THOMAS BOHL, conservateur au département des Peintures «Cimabue affirme ici un langage audacieux et novateur, empreint de vie et d’émotion. C’est la première fois qu’un peintre impose un naturalisme aussi affirmé dans le rendu des expressions des personnages et dans la restitution de leurs muscles en tension. La recherche de naturalisme et de vraisemblance, la volonté de créer l’illusion que la scène se déroule sous les yeux du spectateur, se manifeste également dans le rendu de l’espace. L’artiste masque les visages des personnages de l’arrière-plan par ceux du premier, une idée très nouvelle à cette époque.» Cenni di Pepo, dit Cimabue, «La Dérision du Christ », vers 1280

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