Rapport d'Activité 2020

159 Partager le Louvre en France et dans le monde Interview de Monsieur Sarkis el-Khoury, directeur général des Antiquités du Liban Que représente le Musée national de Beyrouth pour le Liban et les Libanais ? Le Musée national de Beyrouth, sans doute le joyau du Liban, expose sur trois niveaux plus de 1 800 objets archéologiques découverts sur tout le territoire libanais, allant de la préhistoire jusqu’à la période ottomane, même si les collections relatives à l’Antiquité sont les plus représentées. Ce musée tient une place particulière dans le cœur des Libanaises et des Libanais : son histoire est organiquement liée à celle du Liban moderne puisque s’il a été inauguré en 1942, sa création a été décidée dès 1923, à peine trois ans après la fondation du Grand Liban au lendemain de la Première Guerre mondiale. C’est aussi un symbole de renaissance ; pendant la guerre civile de 1975, il s’est retrouvé sur la ligne de front séparant Beyrouth- Ouest de Beyrouth-Est, ce qui provoqua sa destruction du fait des bombardements et de son occupation par des combattants issus des différents groupes armés. Après la guerre, une rénovation d’envergure, dont la dernière phase s’est achevée en 2016, lui a redonné toute sa splendeur et il incarne à merveille le fameux «phénix libanais », toujours prêt à renaître de ses cendres. C’est enfin un symbole d’unité nationale, de par sa fonction de rassemblement et d’exposition d’œuvres témoignant d’une histoire commune et partagée par tous les Libanais. Quelle a été l’ampleur des dommages subis par le Musée national et les locaux de la Direction générale des antiquités le 4 août 2020 ? Les dégâts ont été limités en raison du relatif éloignement par rapport à l’épicentre de l’explosion, le Musée national et les locaux de la Direction générale des antiquités se trouvant à trois kilomètres du port de Beyrouth. Ils ont tout de même été importants. La porte principale ainsi qu’un grand nombre de fenêtres et de portes ont été détruites par le souffle de l’explosion, les rideaux déchirés, des socles abîmés, l’ascenseur endommagé, le système d’alarme mis hors service, tout comme les systèmes de ventilation et de climatisation. Aussi, les eaux se sont infiltrées dans les dépôts archéologiques de la Direction générale des antiquités. Un miracle, toutefois : la collection archéologique a été intégralement préservée, les éclats de verre n’ayant provoqué que quelques altérations légères sur les œuvres situées à proximité des fenêtres. Il est à mentionner que plusieurs autres musées ont été endommagés, en particulier le musée Sursock, ainsi que des centaines de bâtiments traditionnels situés dans les quartiers historiques se trouvant dans la périphérie du port, et dont les dégâts ont été estimés à 300 millions de dollars. De plus, l’industrie créative et culturelle localisée dans les parages a été aussi touchée en plein cœur. Comment le Louvre et la fondation ALIPH sont venus apporter leur aide et quelles sont vos attentes concernant les projets de coopération entre la Direction générale des antiquités et le Louvre? Cela s’est fait très naturellement. Dès le lendemain de l’explosion, mon confrère et ami Jean-Luc Martinez, président-directeur dumusée du Louvre, a été l’un des premiers à m’appeler pour me témoigner de son soutien et me proposer son aide pour la réhabilitation de notre Musée national. Mes collaborateurs et moi-même avons été très touchés par cette proposition, si spontanée. Il faut imaginer le contexte de sidération qui était celui de Beyrouth à ce moment-là: cet élan de sympathie nous a été d’un grand réconfort, d’autant que les équipes de la Direction générale des antiquités du Liban et du département des Antiquités orientales du Louvre se connaissent bien et collaborent ensemble sur plusieurs projets en lien notamment avec le site archéologique de Byblos. Nous pouvions également compter sur l’expertise de la direction du Patrimoine architectural et des Jardins du Louvre. Ensemble, nous pouvions donc être opérationnels très vite pour réaliser un état des lieux détaillé et organiser les travaux d’urgence mais il nous manquait le nerf de la guerre: les moyens financiers! Et c’est là que nous avons pu compter sur l’aide et la réactivité d’ALIPH. Grâce à cette fondation, et à Valéry Freland, son directeur exécutif, les travaux de réhabilitation ont pu commencer dès le 31 août, soit la vieille du centenaire du Grand Liban! Actuellement, nous préparons une exposition afin de célébrer ensemble, au Liban puis au Louvre, le centenaire des fouilles de Byblos dont l’exploration archéologique systématique a commencé en 1921, pour ne s’interrompre qu’à la veille de la guerre au Liban. Dans le contexte sanitaire actuel, aggravé au Liban par une crise économique sans précédent, l’organisation de cet événement portée par nos deux institutions constitue un véritable défi, mais je suis convaincu que nous allons réussir !

RkJQdWJsaXNoZXIy NDYwNjIy