Images du Louvre - Dossiers documentaires

Taureaux ailés / Dossier documentaire 8 l’omniprésence du divin (suite) Le calendrier du chantier respecte lui aussi les moments fastes ou néfastes. Sargon II explique par exemple : « Je fis mouler les briques au mois de Simâmu qui est le mois du dieu Koulla (dieu-Brique) […] J’offris donc des sacrifices au dieu Koulla, seigneur des fondations et du briquetage. » Si les présages jouent un rôle très important, ne peut-on pas néanmoins y déceler des facteurs d’ordre pratique ? En effet, le mois de Simâmu correspond au mois de mai-juin, moment propice pour fabriquer et faire sécher des briques juste après les pluies de printemps et les moissons qui fournissent en paille… Enfin, la consécration des bâtiments s’accompagne de rites. Divers objets tels des clous de fondation, des figurines ou encore des tablettes sont enfouis dans les fondations, avec une double mission : protéger et commémorer l’édifice, mais aussi maudire ceux qui interviendraient sur le bâtiment, signe que l’œuvre serait détruite. Le texte écrit sous le ventre des taureaux ailés, bien que visible, joue le même rôle. Reste à résoudre la question de l’abandon du site de Khorsabad par Sennachérib dès la mort de son père en 705. Plusieurs hypothèses sont émises : à commencer par la mort brutale de Sargon au combat et la disparition de son corps, empêchant toute sépulture selon l’usage ; serait-ce un signe de malédiction divine ? Sargon aurait-il par ailleurs irrité les dieux par son orgueil, en donnant son propre nom à sa nouvelle cité ? Sennachérib lui-même dans un texte parle du «péché » de son père. À moins que cet héritier n’ait tout simplement préféré rester à Ninive, où il résidait déjà et où il réalisa sa propre œuvre, le «palais sans rival ». Le mystère reste entier… redécouvrir khorsabad Oublié durant de longues années, abandonné à peine achevé, le site de Khorsabad est découvert en 1843 lors de fouilles menées par le consul français à Mossoul, Paul-Émile Botta. C’est l’époque des consuls-archéologues et de l’engouement des Européens pour les missions archéologiques autour du bassin méditerranéen. Curieux et cultivé, Botta est à la recherche des vestiges de Ninive, une des plus prestigieuses capitales du monde antique. Mais alerté par des villageois, il se rend sur un autre site et se retrouve au pied des murailles de Khorsabad, résidence de Sargon II. Il y ouvre le premier chantier de fouilles en Mésopotamie. Le ministère de l’Intérieur lui envoie des fonds, ainsi que l’artiste Eugène Flandin qui réalise 130 dessins des salles et œuvres trouvées. En 1845, un premier envoi d’antiquités est réalisé ; on y trouve les deux taureaux ailés, découpés pour l’occasion en 5 et 6 morceaux. Les conditions de transport ont peu évolué depuis Sargon : chargés sur des keleks , grands radeaux portés par des centaines d’outres pour ne pas couler, les vestiges descendent le Tigre et sont déchargés à Bassorah, avant d’embarquer sur Le Cormoran jusqu’au Havre et d’être acheminés par chaland vers Paris deux ans plus tard. Dès 1847, le musée Assyrien est inauguré au Louvre. Pourtant, Botta n’a exhumé qu’une partie du palais. S’ouvre alors une compétition entre archéologues français et britanniques, qui profite tant au Louvre qu’au British Museum. En 1852, Victor Place, successeur de Botta, poursuit la campagne de fouilles et met au jour l’un des plus grands sites palatiaux antiques. Les inscriptions sont déchiffrées par l’épigraphiste Jules Oppert. Hélas, en 1855, le convoi transportant les nouvelles œuvres est attaqué et sombre dans le Chatt-el-Arab (delta commun du Tigre et de l’Euphrate). Une quantité de chefs-d’œuvre est perdue ; seul un taureau ailé de 30 tonnes parvient au Louvre. Victor Place en fait le récit dans Ninive et l’Assyrie, en 1867.

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