Images du Louvre - Dossiers documentaires
La Marquise de Pompadour / Dossier documentaire 8 un programme politique Les livres présentés sur la table à la gauche de la marquise figurent dans sa bibliothèque personnelle et éclairent ici les intentions de la marquise pour cette œuvre. Le premier ouvrage, Pastor Fido , est une tragi-comédie de Guarini qui connaît un vif succès ininterrompu jusqu’à la fin du 18 e siècle. Le choix de ce titre est probablement une allusion à la passion de Louis XV pour la chasse : en effet, le héros de cette pastorale est passionné par cet art. Il illustre également le goût du théâtre cultivé par la marquise et qu’elle fait partager au roi. À sa droite est présentée La Henriade de Voltaire. Le philosophe, que la marquise a rencontré dans les « salons d’esprit » probablement vers 1742, était très lié à elle, du moins à l’époque où elle commanda à Delatour son portrait. Le choix du titre est loin d’être anodin : la célébration d’un ancien souverain encore très populaire – Henri IV – donne à Louis XV l’exemple d’un roi éclairé, animé par un sentiment profond de tolérance religieuse et d’attention à son peuple. Outre la volonté de signifier son intention politique, la marquise rend hommage à l’ami, qui la fit jouer pour la première fois à Étiolles dans sa tragédie Zaïre . À côté de l’ouvrage de Voltaire figure le tome III de De l’esprit des lois . L’œuvre majeure du philosophe Montesquieu était parue anonymement à Genève en 1748 : son plaidoyer pour la séparation des pouvoirs et son idéal d’une monarchie constitutionnelle étaient en complète opposition avec la monarchie absolue établie par Louis XIV. L’ouvrage fut condamné par la Sorbonne et mis à l’Index par l’Église en décembre 1751. La citation de cet ouvrage dans le portrait de la marquise prend donc une signification politique. Le titre de l’ouvrage suivant est presque effacé, rendant son décryptage difficile. Il pourrait s’agir de l’ Histoire naturelle générale et particulière de Georges-Louis Leclerc de Buffon, dont les premiers volumes paraissent en 1749. Ses théories, fondées sur l’observation et l’expérimentation, évoquant la naissance de l’Univers et de la Terre, s’opposaient aux dogmes de l’Église et furent condamnées par la Sorbonne en 1751. La favorite du roi fait de nouveau preuve d’audace en présentant l’ouvrage. Enfin, à sa droite est présenté un exemplaire du tome IV de l’ Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Cet ouvrage collectif, dont le premier tome est publié en 1751, a pour vocation de compiler toutes les connaissances de son temps et constitue le symbole de l’esprit des Lumières. Il est interdit de publication en 1752, suite aux pressions des jansénistes – dont les auteurs de l’ Encyclopédie critiquent les fondements. Remettant en cause l’hégémonie du catholicisme et revendiquant la liberté d’expression, les encyclopédistes reprennent la publication de leur ouvrage en 1754, dans le même esprit de lutte contre les traditions et les autorités politiques et religieuses. Sa présence dans le tableau montre ainsi l’engagement de la marquise. Ces livres, pour la plupart contemporains, ont valeur de programme et de manifeste littéraire, philosophique et politique. Le globe terrestre, situé au bord de la table, a lui aussi une valeur symbolique et idéologique : image des sciences géographique et cartographique, il est ici tourné vers l’Europe et centré sur la France, source des Lumières. Toutes ces références témoignent de l’ambition de ce tableau exposé au Salon de 1755 : présenter et proposer au roi Louis XV un programme politique très libéral, dans l’esprit des Lumières. Le souverain comprend certainement les intentions de la marquise mais n’y adhère pas, les considérant probablement comme trop avant-gardistes.
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