Images du Louvre - Dossiers documentaires

La Dentellière / Dossier documentaire 7 comprendre l’ œuvre une peinture silencieuse La Dentellière est une scène d’intérieur réalisée à la fin de la carrière du peintre. En montrant une jeune femme au travail, concentrée sur son ouvrage et saisie dans une activité quotidienne et banale, l’œuvre est exemplaire de l’art de Vermeer qui peignit essentiellement des scènes de genre rattachées le plus souvent à un univers de femmes. Souvent qualifiée de peinture silencieuse, mystérieuse ou secrète (« la silencieuse puissance de sa peinture », dit Eugène Delacroix), La Dentellière n’a pas de contenu narratif. Si l’œuvre porte un sens moral ambiant, l’interprétation que l’on peut en faire aujourd’hui – l’éloge des vertus domestiques – n’est pas essentielle pour le peintre. À cet égard, on peut reprendre l’analyse qu’en donne l’historien de l’art Daniel Arasse : « La peinture de Vermeer contrevient à l’idée toute faite qu’un tableau doit évoquer une histoire et qu’elle doit véhiculer un message précis et compris des spectateurs. » La Dentellière , comme d’autres tableaux de Vermeer, La Liseuse ou la Jeune Femme en bleu , est une peinture purement descriptive mais qui paradoxalement ne cherche pas le rendu précis de ce qui est représenté. Son sujet fut traité à plusieurs reprises par d’autres peintres hollandais : Caspar Netscher et Nicolas Maes, par exemple. Il s’inscrit dans la tradition iconographique hollandaise qui fait une large place à la scène de genre d’intérieur, plus particulièrement aux scènes de la vie domestique. vermeer : un peintre de perspective Cependant, si d’autres représentations de dentellières existent, celle de Vermeer s’en distingue par son traitement formel et optique. Vermeer à son époque était estimé pour sa maîtrise de la perspective. On a mis en rapport le traitement de la perspective par Vermeer avec l’utilisation de la chambre noire . Cependant, rien ne permet d’affirmer qu’il en fit usage. Comme tous les peintres hollandais, Vermeer connaissait l’instrument, utilisé aussi par les scientifiques pour leurs expériences. De façon générale, les peintres étaient peu diserts sur la camera obscura dans la mesure où, trop mécanique, elle contrevenait à la conception de la peinture en tant qu’art libéral. Même s’ils s’en servaient pour apprendre le métier, ils la considéraient comme inutile à un peintre expérimenté. À regarder l’œuvre, il semble que le jeu entre le net et le flou ne corresponde pas à celui que l’on peut réellement observer avec la chambre noire. Fort subtilement, Vermeer s’est servi des effets que procure l’instrument en les déplaçant dans l’œuvre. La Dentellière révèle également le traitement particulier de la lumière propre à Vermeer et déjà apprécié dans un catalogue de vente en 1778 qui décrit ainsi l’œuvre : « une dame pleine de charme dans la pose d’une dentellière, assise à côté d’une table recouverte d’un tapis sur laquelle sont posés un coussin à couture vert, un livre et d’autres accessoires, très naturel et peint avec le soleil ». Vermeer peint avant tout la lumière et ses effets, une « lumière qui vient de la peinture elle-même » et qui est au fondement de son art. Cette œuvre appartient à l’« âge d’or » de la peinture hollandaise, une époque où les Provinces-Unies connaissent une étonnante prospérité économique liée au commerce maritime avec les Indes orientales, le Brésil et l’Afrique. Ces échanges permettent l’enrichissement d’une importante bourgeoisie marchande qui achète, commande et collectionne les œuvres d’art. Un important commerce de tableaux se développe alors, favorisé par l’existence d’un marché libre de l’art.

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