Images du Louvre - Dossiers documentaires

Le Tricheur / Dossier documentaire 4 aborder l’ œuvre Le tableau représente une scène de jeu de cartes avec quatre personnages réunis autour d’une table. Le fond sombre sur lequel se détache la scène ne donne aucune indication sur le lieu, privé de décor. Le rapprochement des personnages est tel qu’ils paraissent figurer sur un même niveau. Pourtant, la disposition spatiale autour de la table suggère de manière discrète un étagement des plans . Au plus près du spectateur et au premier plan, le jeune homme qui occupe tout l’angle inférieur droit est accoutré d’un vêtement luxueux et voyant : haut-de-chausses vermillon, casaque et col argentés tissés d’or et brodés de grenades multicolores, manches de satin, rubans noués. Il est coiffé d’un immense panache jaune orangé : c’est la victime. Au centre du tableau et derrière la table, deux femmes. L’une est assise, recevant la lumière sur son visage ovale et sur son large décolleté paré d’un collier de perles. Son costume, garni d’amples manches à crevés, est souligné de galons d’or ; elle porte un chapeau à corne garni d’une plume : c’est la courtisane. L’autre femme, debout et légèrement penchée, tient dans ses mains un verre de vin et une fiasque ; elle est au service des joueurs qui eux sont assis. Elle est vêtue d’un corselet bleu-vert sombre sur une chemise blanche brodée de motifs noirs et elle est coiffée d’un turban d’étoffe satinée couleur jaune topaze : c’est la servante. À gauche, placé en bout de table, le personnage à l’attitude désinvolte est habillé d’un pourpoint dont le col est bordé d’un galon rouge. Son vêtement est seulement interrompu par une large ceinture sombre, de même teinte que les aiguillettes dénouées : c’est le tricheur. La distribution des personnages est significative en ce qu’elle rend solidaires physiquement les deux femmes et le tricheur. L’isolement du joueur de droite, future victime, est souligné par une bande verticale relativement claire. L’alternance des zones d’ombre et de lumière sur les visages, les mains, les cartes, les pièces de monnaie pour le moment en plus grand nombre du côté du jeune joueur, tout cela conditionne la circularité du regard que le spectateur porte sur la scène. L’orientation des visages, le croisement des regards et la combinaison des mains rythment cette circulation et contribuent à conforter à la fois la connivence des trois complices et la mise à l’écart du jeune homme, à l’attitude introvertie. Le clair-obscur est d’une grande subtilité, l’intensité de la lumière étant soumise à des gradations qui touchent aussi bien l’espace et les objets que les personnages et les parties découvertes ou habillées de leur corps. Ces gradations lumineuses ont une fonction picturale (c’est-à-dire relative à la composition du tableau et à la distribution des figures) et une fonction narrative (relative à la scène et à ses personnages). Ainsi, par exemple, ce n’est pas tant la pose que le jeu de lumière qui trahit la duplicité du tricheur : l’ensemble de son dos et ses doigts tenant les cartes sont en pleine lumière (la lumière est moindre cependant que celle sur le décolleté de la joueuse) ; le visage et le bras droit sont dans la pénombre ; sur la table, une ombre reste mystérieuse. Les cartes jouent un rôle majeur dans cette œuvre, qu’elles soient visibles ou dissimulées. La complicité des trois autres personnages contraste avec l’isolement de ce jeune naïf et provoque l’implication du spectateur, invité dans la scène à occuper cette place imaginaire au premier plan. Toutes les cartes ayant ainsi été malicieusement distribuées par Georges de La Tour, la partie reste ouverte.

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