Images du Louvre - Dossiers documentaires
Le Peseur d’or / Dossier documentaire 6 comprendre l’ œuvre une scène de la vie quotidienne ? Ce tableau est une scène de genre d’argent, une des premières de l’histoire de la peinture. Le sujet apparemment profane met en scène un couple de riches bourgeois. Le prêteur est montré exerçant son métier au côté de sa femme pieuse et lectrice. On peut mettre en regard l’activité du changeur avec le rôle économique d’Anvers en ce début du 16 e siècle. Supplantant Bruges, Anvers est alors l’une des principales villes commerçantes d’Europe. C’est là qu’affluent les métaux précieux d’Europe centrale, les draps d’Angleterre, les épices d’Inde, les soieries d’Italie, l’alun, dont la ville a le monopole du commerce depuis 1491. À Anvers, ville cosmopolite, viennent s’approvisionner des marchands de toute l’Europe. Des pièces de monnaie de diverses origines circulent dans la ville. La profession de changeur est donc indispensable pour vérifier leur poids et regarder aussi l’état et la qualité de l’aloi, c’est-à-dire la quantité de métal précieux présent dans les alliages. Cependant, ce tableau recèle un grand nombre d’ambiguïtés qui contredisent sa simplicité apparente et suscitent des difficultés d’interprétation. Que fait exactement le changeur ? Fait-il un prêt sur gage, comme le suggèrent les objets précieux au premier plan, mais dans ce cas pourquoi pèse-t-il des monnaies ? Qui est le personnage dont on voit le reflet dans le miroir ? Est-il un emprunteur, un acheteur, un témoin ? Que signifie l’attitude de la femme du changeur ? Pourquoi se détourne-t-elle de sa pieuse lecture ? Par intérêt pour l’argent ? Par curiosité pour l’activité de son mari ? Pourquoi le peintre a-t-il habillé ses personnages de vêtements à la mode au 15 e siècle, du temps de Van Eyck, soit trois quarts de siècle plus tôt ? Par révérence au maître de la peinture des Pays-Bas ? Pour introduire une distance temporelle entre la scène représentée et le spectateur et décaler ainsi le point de vue ? Pourquoi Metsys a-t-il choisi de représenter surtout des pièces anciennes comme un penny de Henri II (1154-1289), un gros de 20 deniers de Trente (1300) ou un denier d’argent de Charlemagne (9 e siècle) – dont il n’est pas sûr qu’elles étaient utilisées de son temps ? Et pourquoi trouve-t-on parmi elles un aureus romain qui n’était pas une pièce en circulation mais bien plus un objet de collection ? Enfin, pourquoi, si l’œuvre est bien une simple représentation réaliste d’un métier, ne fait-elle aucune allusion à une des activités essentielles du changeur du 16 e siècle : la lettre de change, l’ancêtre du chèque ? sous le profane, le religieux À ces questions, les quelques éléments de réponse que l’on peut apporter suggèrent une interprétation morale et religieuse de cette scène. Ainsi le livre d’heures que feuillette la femme et qui montre une image de la Vierge à l’Enfant, tout comme le clocher d’une église qui se reflète dans le miroir rendent évident le contenu chrétien de l’œuvre. D’autres objets à fort potentiel symbolique sont présents : la balance peut évoquer la pesée des âmes au moment du Jugement dernier, d’autant que l’œuvre portait au 17 e siècle l’inscription suivante, effacée aujourd’hui : «Que la balance soit juste et les poids égaux » (La Bible, Lévitique). La chandelle éteinte derrière la tête de la femme représente la mort, le fruit frais et intact sur l’étagère évoque le péché originel. Le hanap en cristal, la carafe translucide et le dizain en perles de cristal renvoient métaphoriquement à la pureté de la Vierge.
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