Rapport d'activité 2019
Rapport d’activité - 2019 84 Interview de Monsieur Alfred Pacquement, conservateur général du patrimoine et co-commissaire de l’exposition «Soulages au Louvre » Pour cet hommage à Soulages à l’occasion de son centième anniversaire, comment s’est fait le choix du Salon carré comme lieu d’exposition? Pour cet hommage à un grand peintre vivant, il était d’emblée prévu d’intégrer l’exposition au sein des salles du musée, comme cela avait été le cas pour Picasso dont les peintures avaient été accrochées dans la Grande Galerie à l’occasion de son quatre‐ vingt-dixième anniversaire en 1971. Parmi les salles envisagées pour Soulages, le Salon carré est apparu pour bien des raisons une proposition convenant parfaitement au projet, un espace prestigieux situé au cœur des salles de peinture italienne et qui a été dans l’histoire du palais une salle d’exposition temporaire. Un des murs du Salon carré avait déjà accueilli une peinture de Soulages à l’occasion de la grande rétrospective du Centre Pompidou en 2009, l’œuvre étant alors accrochée au côté de La Bataille de San Romano d’Uccello. Soulages était d’autant plus familier de cette salle qu’il a toujours éprouvé un intérêt tout particulier pour la Maestà de Cimabue qui s’y trouve généralement présentée. Nous publions même dans le catalogue un texte du peintre sur ce grand chef-d’œuvre. Le volume de la salle, la hauteur des murs, la lumière zénithale et latérale étaient autant de qualités qui convenaient parfaitement au déploiement des grands formats et des polyptyques « outrenoir » de Soulages. Comment avez-vous sélectionné les œuvres de cette rétrospective ? Le Salon carré est doté d’un dispositif architectural très remarquable dû, entre autres, à Pierre Paulin. Les cimaises, quoique très hautes, sont néanmoins abaissées par rapport à la hauteur immense de la salle. Les angles sont adoucis par une courbe subtile. Les murs sont peints dans un beige qui se marie avec l’architecture de la salle. Il fallait donc partir de cette architecture. Avec Pierre Encrevé, co-commissaire de l’exposition malheureusement décédé avant l’inauguration, nous avons simplement choisi d’ajouter un panneau vertical dans l’espace, afin d’évoquer les peintures accrochées entre sol et plafond comme Soulages aime à le faire dans ses expositions. La sélection s’est faite par rapport à la dimension des murs en partant de l’idée d’établir un parcours resserré intégrant les huit décennies pendant lesquelles Soulages a été actif. L’exposition se déroule donc en deux parties assez clairement identifiées par la scansion architecturale de la salle : les peintures des débuts (brous de noix, goudrons) jusqu’aux années soixante-dix fondées sur les contrastes noir et blanc, le clair-obscur, le surgissement de la couleur sous la couleur noire, les traces larges structurant l’espace de la toile. Puis, dans un deuxième temps, les différentes phases de ce que Soulages a appelé outrenoir, c’est à dire ces toiles recouvertes d’un unique pigment mais où selon le traitement de la matière picturale les reflets de lumière font vibrer la peinture. Qu’avez-vous souhaité donner à voir de Soulages, qui a tant séduit le public ? «C’est ce que je fais qui m’apprend ce que je cherche» a souvent déclaré Soulages. Je crois que l’on ressent face à ces œuvres qu’elles sont toujours de l’ordre de l’expérimental, sans cesse renouvelé. Soulages aime parler d’ aventure . Concentrant ainsi dans une seule salle près de soixante-quinze années de peinture, on voit une œuvre à la fois très cohérente et jamais uniforme. L’exposition se conclut sur trois longues verticales peintes par Soulages pour l’occasion qui ne manquent pas d’impressionner venant d’un artiste à la veille de son centième anniversaire. Ces stèles hiératiques semblent hors du temps, renvoyant aux pierres dressées des sites néolithiques chers à Soulages ou aux hautes fenêtres de l’abbatiale de Conques pour laquelle il a conçu des vitraux. Si l’exposition a pu convaincre le large public qui visite le Louvre, c’est peut-être parce que la peinture de Soulages n’apparaissait pas incongrue ou en rupture. Mais qu’elle affirme, au contraire, la continuité de l’art d’aujourd’hui par rapport à celui d’hier que ce musée rassemble.
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