Rapport d'activité 2019
101 Des collections nationales pour tous InterviewdeMadame Charlotte Chastel-Rousseau, conservatrice au département des Peintures et commissaire associée de l’exposition «Greco» au Grand Palais. Pourquoi consacrer aujourd’hui une grande exposition à Greco en France ? Certaines œuvres de Greco ont été présentées au Salon d’automne en 1908, puis par la Gazette des beaux - arts en 1937, mais Greco (1541-1614) n’avait jamais était le sujet d’une monographie à Paris. Pourtant, le désir de faire mieux connaître cet artiste existait depuis des décennies, sans que cela n’ait jamais été possible, notamment en raison de la dispersion de ses œuvres aux États-Unis et en Europe. L’élément déclencheur de l’exposition de 2019 a été le partenariat avec l’Art Institute de Chicago et la possibilité de faire venir la grande Assomption de la Vierge , une œuvre de presque 5 mètres de hauteur, qui n’avait pas retraversé l’Atlantique depuis son acquisition à Paris en 1904, y compris au moment des expositions de 2014 pour l’anniversaire de la mort de Greco, car elle n’avait pas encore été restaurée. À cette volonté de rendre enfin hommage à Greco en France, s’est ajouté le souhait de tirer les enseignements des dernières recherches, en accrochant des œuvres récemment attribuées, mais aussi en présentant Greco non pas comme un génie isolé, mais comme un artiste profondément ancré dans la culture de la Renaissance italienne – en cela la concomitance avec l’exposition « Léonard de Vinci » au Louvre était intéressante. Quel était l’enjeu de l’exposition coorganisée avec la RMN-GP? Il était double : faire découvrir Greco et son itinéraire artistique si particulier, de la peinture d’icônes en Crète jusqu’aux portraits et aux retables peints à Tolède, et souligner, notamment par une scénographie épurée, à quel point son œuvre est fondamentale pour l’art du 20 e siècle. Négligé aux 17 e et 18 e siècles, Greco fut progressivement redécouvert à partir du milieu du 19 e siècle puis beaucoup regardé par les avant-gardes : Picasso, Cézanne, Eisenstein... jusqu’à Bacon. Nous avons conçu l’accrochage autour de confrontations de différentes versions d’un même sujet, peintes par Greco, pour mettre en évidence à quel point la répétition et les variations sur le motif sont au cœur de son processus créatif. La persistance avec laquelle Greco a repris ses propres compositions, pour pousser toujours plus loin ses recherches picturales, lui a permis d’inventer des images nouvelles et d’élaborer un style très personnel. Cette méthode par invention et variations fonde la radicalité et l’originalité de sa démarche artistique. Quelles sont, selon vous, les raisons du succès de l’exposition ? Nous sommes très heureux du succès de fréquentation de l’exposition au Grand Palais et de l’enthousiasme de nombreux artistes, y compris les plus jeunes. Le fait que les avant-gardes se soient nourries des innovations de Greco – liberté dans la construction de l’espace, audace des juxtapositions de couleurs et dynamisme de la touche – a d’une certaine manière préparé le regard des visiteurs d’aujourd’hui. La puissance expressive des images inventées par Greco et la sensualité de sa matière picturale parlent à nos contemporains. Nous avons aussi choisi de resserrer l’exposition sur la production du maître lui-même, en évitant les œuvres d’atelier, parfois caricaturales, pour donner au public français une image plus subtile et plus lumineuse de sa peinture.
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