Rapport d'activité 2018

Rapport d’activité - 2018 112 Interview de Monsieur Dimitri Meeks, égyptologue, directeur de recherche honoraire au CNRS Pourquoi avoir choisi comme sujet de la Chaire du Louvre les Égyptiens et leurs mythes ? Dès le début de ma carrière d’égyptologue j’ai été intéressé par les problèmes posés par la religion de l’Égypte ancienne. La publication, en 2006, d’un papyrus du musée de Brooklyn décrivant de façon souvent succincte, voire allusive, certains mythes m’a amené à reconsidérer la nature même de ce qu’ils pouvaient être, leur fonction au sein d’une société polythéiste, mais aussi la validité du regard que nous portions sur ces récits. Lorsque la Chaire du Louvre m’a été proposée, il est apparu que mes différentes préoccupations sur ces questions pouvaient être structurées à la fois pour aboutir à une synthèse qui avait manqué jusqu’alors et fournir à un vaste public un tableau du polythéisme égyptien fondé sur les recherches les plus récentes et qui éviterait le caractère convenu des discours dans ce domaine. Qu’apporte l’articulation publication/conférences proposée par la Chaire du Louvre ? Le format proposé, celui d’un ouvrage et de conférences qui accompagneraient et prolongeraient de façon moins académique les sujets, complexes, qu’il traitait a permis d’organiser l’exposé autour de cinq thèmes. Ceux-ci devaient être autant de portes ouvertes sur le fonctionnement de la religion égyptienne et permettre d’en saisir aussi simplement que possible le fonctionnement au sein de la société. Ces cinq thèmes se sont imposés dès les contacts préliminaires avec mes collègues du Louvre en ce qu’ils offraient la possibilité de traiter des Égyptiens et de leurs mythes de manière relativement complète, mais par des biais peu explorés. En s’interrogeant sur la façon dont les Égyptiens vivaient leurs croyances, en questionnant les raisons qui ont amené leur clergé à élaborer des édifices théologiques complexes, on pouvait mieux percevoir la façon dont ces croyances ont modelé une société, imprégné leur perception de ce temps que nous nommons historique et mieux comprendre pourquoi l’écriture a été un support et un véhicule indispensable du religieux. Ces réflexions ouvraient, à leur tour, sur des problèmes de fonds rarement abordés auprès du grand public : qu’est-ce qu’un polythéisme et les notions de bases sur lesquelles il se fonde, comment nos cultures monothéistes pouvaient mettre en difficulté nos tentatives pour les étudier, comment pouvions-nous reconstituer des mythes sous forme de récits plus ou moins continus alors que la documentation dont nous disposons n’en fournit que de multiples fragments dispersés sur les trois millénaires qu’a vécu la civilisation égyptienne ? Quels enseignements tirez-vous de cet exercice ? Les conférences elles- mêmes proposaient un défi particulièrement attrayant. Les sujets traités ne trouvaient que difficilement leur illustration dans des images explicites, sauf à courir le risque d’avoir à les commenter de façon trop technique. En fait le choix des images s’est fait progressivement alors que la rédaction de l’ouvrage avançait, les deux tâches s’influençant l’une l’autre. Les images se sont finalement mises en place avec un commentaire qui venait en contrepoint du texte de l’ouvrage. L’ensemble de ce travail a contribué à faire émerger des perspectives de recherche inédites. L’égyptologie, qui fêtera en 2022 son bicentenaire, dispose désormais d’outils conceptuels nouveaux pour faire progresser sensiblement notre connaissance de la religion égyptienne. En rassemblant patiemment les fragments de mythes épars, ce que l’on a à peine commencé à faire, on pourra, par assemblages successifs, restituer une « théographie » de la pensée religieuse de l’Égypte ancienne plus pertinente que celle dont nous disposons actuellement. En cela, l’expérience de la Chaire du Louvre aura été un catalyseur d’idées et un révélateur de nouvelles approches possibles.

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