Turquie, « Iznik », vers 1550
Pâte siliceuse, décor peint sur engobe et sous glaçure transparente
H : 8 cm ; D : 37,5 cm
Musée du Louvre, legs Koechlin, 1932
K 3449

Ce plat offre au regard une composition végétale complexe mêlant des éléments du répertoire saz, longues feuilles dentelées, fleurs composites et bourgeons, à une flore d’inspiration plus naturaliste, tige à fleur d'artichaut, fleurs aux pétales tournoyants, tulipe et peut-être de frêles violettes. Au centre se promène un paon perdu dans ce jardin fantastique. Le décor est exceptionnel en tous points : subtile harmonie des camaïeux de bleus, turquoise et rose, soulignée par le coloris vert sombre des contours ; uniformisation de la surface par une composition qui déborde sur le marli sans sensation de rupture ; superposition des formes végétales créant un effet tridimensionnel.
La plupart des motifs végétaux se retrouve sur les céramiques ottomanes des décennies 1540-1550 de même que la palette colorée. Aux côtés des éléments propres au style saz, s’épanouit une flore plus naturaliste : l'épaisse tige centrale et qui se termine en fleur d’artichaut écaillé se retrouve sur une série de plats attribués aux années 1540-1545 ; les tulipes se rencontrent, quant à elles, dans de nombreux plats du milieu du siècle, dont des pièces attribuées au cercle du peintre Musli ; les fines violettes, traitées dans le même coloris que les tulipes, sont une espèce plus rarement représentée en céramique et annoncent les violettes dessinées dans les marges du Divan de Muhibbi (1566) réalisées sous la direction de l’enlumineur Kara Memi.
S'il est acquis que les ateliers de la ville d’Iznik pouvait produire des œuvres de très grande qualité, la finesse extrême de ce plat et la maîtrise de sa composition, incitent à penser aussi à une production stambouliote, liée aux artisans du palais (elh-i hiref). Les archives d’Istanbul ont montré les liens étroits existant entre céramistes et ornemanistes travaillant dans les ateliers du palais et il est fort probable qu'il y ait eu un centre de production à Istanbul même. Le choix du paon n'est peut-être donc pas ici anodin. Dans la culture persane transmise à la cour ottomane, l'animal est symbole de royauté et de pouvoir.