La Chaire du Louvre 2019

TECHNOLOGIES DE DÉVOTION DANS LES ARTS DE L’ISLAM: PÈLERINS, RELIQUES, COPIES Dans un texte de 1920, Aby Warburg exprimait l’espoir que se réalise une « alliance entre l’histoire de l’art et l’étude de la religion ». Ce vœu constitue le point de départ d’un cycle de conférences qui en appelle à la nécessité de se pencher sur les relations intimes entre les corps, les matériaux et les technologies dans les rituels de dévotion. De la mimésis de l’architecture sacrée à la copie des textes, en passant par la répétition des rituels, la reproduction et la sériation sont deux dimensions fondamentales de la phénoménologie de la dévotion. La culture matérielle du pèlerinage islamique est riche d’exemples – portant sur l’architecture, la matière sacrée ou les souvenirs portables –, qui ont souvent des liens avec des techniques et des technologies de production et de reproduction en série, telles que la gravure, le moulage et l’estampage, comme s’il s’agissait de reproduire les « impressions » éprouvées par les pèlerins eux-mêmes. Reflétant une croyance commune en la capacité de certains matériaux à agir comme médiateurs de l’aura d’un individu, d’un lieu ou d’une relique, l’efficacité perçue des objets était, peut-on penser, renforcée plutôt que diminuée par la production en série. Souvent, les objets en question se prêtaient à des pratiques de consommation multi-sensorielles, très éloignées des pratiques d’observation désincarnées, telles qu’elles ont été cultivées dans la pensée à partir des Lumières et canonisées dans les galeries et musées modernes. Cette alliance entre les rituels de dévotion et les technologies de production de masse dans les arts de l’Islam pose la plus ancienne des questions, celle de la nature de la copie, d’une manière qui nous invite à considérer sa dimension moderne très ancienne.

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