la Chaire du Louvre par Victor I. Stoichita à l'auditorium du Louvre - page 8-9

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Jeudi 2 octobre
18h30 /
conférence
L’invention du Juif
Dans l’art chrétien, le Juif n’acquiert
son identité propre qu’à partir du moment
où il déclare sa résistance face au message
christique. Ainsi, prophètes et ancêtres
de l’Ancien Testament s’intègrent dans
une vision typologique, préfigurant
le Nouveau Testament. Ce n’est que
lorsque le Juif se détache du Même en niant
l’arrivée du Messie qu’il devient l’Autre.
Pour cerner cet Autre, il faut l’interroger
dans sa dimension imaginaire et dans
une dialectique entre continuité et rupture.
Au sein de la société chrétienne,
cette dialectique fut soumise à des pressions :
les Juifs ne se distinguant par aucune
«marque » visible (couleur de peau, stature
ou allure), l’Église comme le pouvoir
rabbinique les ont contraints à se différencier
par des détails vestimentaires (rouelle,
couvre-chef pointu, cafetan jaune). Plus encore,
des stéréotypes physiognomoniques se créent
(nez arqué, chevelure rousse). Comme l’ont
montré de récentes études en histoire sociale
des apparences, au cours du Moyen Âge
cette différenciation juive s’instaura selon
un processus lent et laborieux et ne fut assimilée
que difficilement et contradictoirement
à travers l’image peinte. Parcourir ce chemin,
de Giotto à Rembrandt, signifie se confronter
avec la construction en marche d’une altérité
oscillante, fluctuante.
. . . . . . . . . . . . . . . .
20h30 /
projection
Monsieur Klein
de Joseph Losey
Fr., 1976, 123 min, avec Alain Delon
et Jeanne Moreau.
Robert Klein, un négociant alsacien
confondu avec son homonyme juif résistant,
« se met à assumer cet état de Juif
qu’il n’est pas, et consent à sa propre
disparition dans la masse des Juifs entraînés
vers la mort » (G. Deleuze).
Jeudi 9 octobre
18h30 /
conférence
Le Grand Turc
En 1453, le sultan Mehmet II qui, à seulement
21 ans, avait fait tomber l’Empire romain
d’Orient, devint un nom redouté de tous
les grands d’Occident. Mais il dut attendre
le séjour de Gentile Bellini à Istanbul en 1480
pour gagner une figure. Vasari, dans ses
Vies
des Peintres
, nous en livre le récit : «Gentile
ne tarda pas à faire un portrait du souverain,
si ressemblant qu’on le regarda comme
un miracle. Ayant constaté les nombreuses
possibilités de la peinture, l’empereur demanda
à Gentile s’il se sentait capable de faire
son propre portrait. Gentile répondit
affirmativement et, en peu de jours, fit son
autoportrait à l’aide d’un miroir, si ressemblant
qu’il paraissait vivre. Il le porta au souverain ;
celui-ci en fut tellement émerveillé qu’il lui
était impossible de ne pas croire que Gentile
fût habité par quelque esprit surnaturel. »
L’épreuve de l’autoportrait est incertaine
mais significative. La demande, voire le défi,
que le sultan adresse au peintre vise le pouvoir
de la représentation mimétique. Prendre l’Autre
en image est un acte de force. En invitant
Bellini à se représenter lui-même, le sultan
(ou Vasari) tente de renverser le rapport
de pouvoir, en faisant basculer la relation
objet / sujet. L’expérience fondamentale
de l’Autre s’accomplit surtout, ou seulement,
à travers l’expérience du Même.
. . . . . . . . . . . . . . . .
20h30 /
projection
Tous les autres s’appellent Ali
(
Angst essen Seele auf
)
de Rainer Werner Fassbinder
All., 1974, 93 min, avec Brigitte Mira
et El Hedi ben Salem.
Transposant
Tout ce que le ciel permet
de Douglas Sirk dans l’Allemagne
des années 1970, Fassbinder dépeint
les réactions exacerbées suscitées par l’union
d’un immigré marocain avec une Allemande
de vingt ans son aînée.
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