Louvre

Histoire seconde et 4ème, Histoire des Arts, seconde


Objectif
Faire analyser le portrait à partir des éléments formels suivants : le cadrage, le fond, la composition et la posture, les couleurs, la lumière.
Étudier les fonctions du portrait.
Comparer avec d'autres portraits féminins d'Ingres.


Description
La Vicomtesse d'Haussonville est représentée tournée de trois quarts vers nous, dans un intérieur luxueux. Vêtue d'une belle robe bleue, la main soutenant délicatement la tête, elle adopte une pose qui lui donne "une expression pensive". Elle regarde le spectateur et esquisse un léger sourire. Comme dans un des portraits des débuts de sa carrière, celui de Madame de Sennones, Ingres introduit le reflet de la tête du modèle dans le miroir de la cheminée, ce qui lui permet de montrer la nuque du modèle ainsi que le chignon retenu par un peigne et un ruban de velours rouge.


"Un beau modèle"
La pose choisie par Ingres fruit de nombreuses hésitations comme le révèle les dessins préparatoire est semblable à celle de Stratonice, une façon pour le peintre de transformer le portrait en peinture d'histoire toujours considérée comme le grand genre.


L'oeuvre est remarquable par le traitement des accessoires et du décor mais aussi du rendu des étoffes. La subtilité des coloris et notamment des bleus dominés par le bleu de la robe, révèle aussi Ingres comme un grand coloriste. Le souci du détail que l'on retrouve dans les portraits de Madame Rothschild, de la Princesse de Broglie, et de Madame Moitessier montre qu'il était fasciné par ses « beaux modèles et montrait un goût prononcé pour la haute couture et les accessoires de mode. »


Ce portrait de femme appartient à une période de la vie d'Ingres pendant laquelle il réalise ses « portraits les plus impressionnants ». Le tableau évoque le commentaire de Baudelaire « les belles femmes, les natures riches, les santés calmes et florissantes, voilà son triomphe et sa joie. »


"La grande dame moderne"
Ingres exécuta cette œuvre à partir de 1842, ce dont témoigne un dessin daté de cette année là et il lui fallut trois années pour l'achever. Ce temps de réalisation fut un temps de recherche, d'élaboration et de maturation du sujet, toujours très long chez Ingres car il ne voulait pas seulement restituer une apparence mais surtout rendre compte d'un individu dans ses dimensions psychologiques, sociales, culturelles. Lui même le dit en 1847 : « Maudits portraits qui m'empêchent toujours de marcher aux grandes choses que je ne puis faire plus vite, tant un portrait est une chose difficile. » La difficulté tient aux enjeux mêmes du portrait, c'est-à-dire à la nécessaire conciliation entre traitement réaliste et idéalisation. Là réside aussi l'invention d'Ingres qui s'efforce de donner une "idée complète de son modèle". Ces exigences lui assurèrent le succès et lui valurent une prestigieuse clientèle ainsi que de substantiels revenus. Ainsi la Vicomtesse d'Haussonville était la petite fille de Madame de Staël, et la fille du duc de Broglie, un des plus importants ministres du régime. Elle avait épousé un diplomate, le Comte Othenin d'Haussonville et c'est à Rome que les d'Haussonville avaient rencontré Ingres. Elle représentait bien cette nouvelle aristocratie du pouvoir et de l'argent comme l'écrivit Charles Lenormant : « En voyant le portrait de Mme la comtesse d'Haussonville, ne s'aperçoit-on pas aussitôt qu'avec tous les droits possibles à figurer dans la société la plus exclusive, la politique cependant l'a fait naître dans un monde qui tient plus de compte de l'empire des idées que de la tyrannie des rangs ? »


Ce tableau fut loué à l'unanimité quand Ingres le montra dans son atelier d'abord puis au Bazar Bonne-Nouvelle en 1846. Il figura à l'Exposition universelle de 1855 où il représentait comme le dit Théophile Gautier "la grande dame moderne". Avec ces œuvres, on a pu dire qu'Ingres "fait du portrait la peinture d'histoire de la société de son temps".


Vous pouvez retrouver cette séquence dans TDC (Textes et Documents pour la classe), numéro spécial Ingres, revue éditée par le CNDP en partenariat avec le musée du Louvre, le musée Ingres à Montauban et le musée de l'Arles et de la Provence antiques, mars 2006.


Maryvonne Cassan, professeur d’histoire des arts mis à disposition au service des activités éducatives et culturelles du musée du Louvre

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